Inu-Oh

Au cinéma le 23 novembre 2022

© Star Invest Films France

Jimmy Hendrix chanté en japonais, joué avec un biwa et dansé en yukata, c’est le pari fou de ce film à mi-chemin entre le conte et l’opéra rock. Inu-Oh embarque le spectateur dans une épopée de couleurs, de sons et d’histoires dont on ressort ébloui. Ce nouveau film de Masaaki Yuasa (Mind Games, Ping Pong, Devilman Crybaby)est une véritable bombe en constante réinvention qui explose toutes les contraintes cinématographiques et historiques, avec la désinvolture intelligente d’un réalisateur au sommet de son art.

Sur un pont, un garçon aveugle chante. En face de lui une créature difforme, au visage caché par un masque, danse sans retenue. Les deux rient : loin de tout jugement, de toute assignation arbitraire, ils savent qu’ils ont enfin trouvé leur âme-soeur. Nous sommes au XIVe siècle, dans un Japon médiéval en plein bouleversement politique. Alors que les deux cours opposées qui gouvernent chacune une partie du pays tentent de se réunifier, le mythe national est réécrit à la gloire du gagnant et les histoires des soldats tués à la guerre sont étouffées pour éviter toute rébellion. Le mythe s’insère dans l’Histoire, à travers une épée enfouie sous l’océan et une malédiction lancée sur un bébé à peine né. Inu-Oh est un monstre, rejeté par sa famille, craint par sa ville ; Tomona a perdu son père et ses yeux, et est envoyé sur les routes pour venger sa famille. Leur rencontre est un événement magique, explosif, qui pourrait bien changer le Japon tout entier.

Masaaki Yuasa ne se laisse retenir par aucune règle, aucune convention. Ce qui s’ouvre comme un conte fantastique, tournant autour de reliques perdues et de fantômes, se transforme en opéra-rock qui convoque Queen et David Bowie au milieu du Japon du XIVe siècle. Les personnages se lancent dans des danses endiablées à la Michael Jackson, des dragons en papier traversent la scène, des bras coupés surgissent sous les pieds des spectateurs, une baleine enchantée remonte un courant invisible lors d’une bataille navale. Tout est fait pour en mettre plein la vue et les oreilles ; alors le miracle opère : cinéma et concert deviennent un et la salle frémit aussi bien au rythme de l’histoire narrée que de la musique jouée.

L’art devient le vecteur d’une révolution culturelle et politique. La folie qui s’empare du pays met en danger les normes artistiques et sociales, procédant à un renversement des valeurs, où les rebuts de la société deviennent les nouvelles stars et le monstre difforme est acclamé par tous. En son cœur, Inu-Oh est une histoire sur l’auto-détermination : face à une société qui a décidé d’emblée qui ils devraient être, les deux protagonistes décident eux-même de leur nom, de leur corps, de leur apparence. Ils se créent seuls, sans demander permission, et emportent le reste du monde avec eux.

Surnommé l’enfant terrible de l’animation japonaise, Masaaki Yuasa réussit ici à créer une histoire aussi libre et survoltée que son dessin. La beauté du trait, qui sait se faire laid et vulgaire ou léger et poétique selon les besoins du récit, nous rappelle toute la force de l’animation comme médium cinématographique. Entre fantômes passés et esprits futurs, explosions de sang ou de musique, malédictions légendaires et combats historiques, Inu-Oh est un film à la gloire des histoires, du renouveau et de la différence, qui parvient à ne pas se faire prendre au piège d’un optimisme naïf et dont on ne peut ressortir qu’avec un sourire sur les lèvres et un amour renouvelé pour le cinéma.

Inu-Oh / De Masaaki Yuasa/ Avec Avu-Chan, Mirai Moriyama / Japon / 1h37 / Sortie le 23 novembre 2022.

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