Les Huit montagnes

Au cinéma le 21 décembre 2022

© Pyramide distribution

Quoi de mieux que la montagne, lieu aux mille reliefs, aussi reclus qu’ouvert sur le monde, pour incarner à l’écran le décor d’une amitié forte et tortueuse, s’écoulant sur plus de vingt ans ? Adaptée du livre Les Huit Montagnes de Paolo Cognetti, cette idée ambitieuse offre à Felix Van Groeningen, co-réalisant pour la première fois avec sa compagne Charlotte Vandermeersch, l’occasion de déplacer son genre de prédilection – le mélodrame – dans le cadre idyllique des Alpes italiennes.

Exit les torrents de sentiment de ses précédents films, Van Groeningen semble trouver dans les écrits de Cognetti une pudeur nouvelle, comme revigoré et assagi par la nature qu’il filme. Aidée par les subtiles prestations de Lucas Marinelli et Alessandro Borghi, la tendre amitié entre Pietro et Bruno se préserve des grands poncifs dramatiques, dans lesquels l’auteur était parfois tombé, et enrobe l’œuvre dans une atmosphère apaisante, faite de légers regards et de doux silences. Ici, seuls les monts parlent en lieu et place des protagonistes peu loquaces.

Très vite avares en plans larges, les cinéastes se retrouvent malheureusement hypnotisés par leur intrigue et finissent par délaisser le décor, occasionnant pourtant les plus belles séquences du long-métrage. Ces huit montagnes perdent peu à peu leur force symbolique et ne sont alors plus que des faire-valoir, arrière-plans décoratifs qu’on aurait très bien pu troquer pour d’autres. Pour un film critiquant précisément la superficialité du regard contemporain sur la nature environnante, le constat est tristement paradoxal. Également freiné par son matériel de base, qu’il cherche désespérément à suivre dans les grandes lignes, le film brasse constamment des embryons d’idées – le rapport de classes, la condition économique – touchant à peine du doigt la richesse potentielle de chacune, et semble peu à peu évoluer à l’aveugle.

Cette absence de fil rouge clair sacrifie l’amitié centrale, pourtant cœur émotionnel du récit, au profit d’allers-retours pauvrement schématiques, ersatz de voyage initiatique rappelant les heures sombres de Into The Wild ou La Vie Rêvée de Walter Mitty. Et pourtant, lorsqu’il redonne momentanément de l’importance à ces grands espaces verts et qu’il enveloppe ce lien fusionnel sous la douce voix de Daniel Norgreen, Les Huit Montagnes a les allures d’un possible grand film dont on ne verra jamais la couleur.

Les Huit Montagnes / De Felix van Groeningen & Charlotte Vandermeersch / Avec Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Filippo Timi, Elena Lietti/ Italie, Belgique, France / 2h27 / Sortie le 21 décembre 2022.

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