
Après Trois Billboards, les panneaux de la vengeance, Martin McDonagh revient avec une nouvelle comédie noire. Mais cette fois, retour aux sources pour le cinéaste : Les Banshees d’Inisherin se déroule en Irlande.
Ce cadre indissociable de l’intrigue, ne lui apporte que très peu, voire rien, esthétiquement. Ces plans qui survolent l’île, et la peignent d’un vert numérique presque agressif, structurent maladroitement un récit par essence théâtral. Le découpage en actes et en scènes se ressent trop fortement. Il entrave un possible inhérent à l’art cinématographique : l’émancipation des personnages dans le temps et l’espace, un remaniement constant du cadre, à différentes échelles.
Pourtant, le propos des Banshees d’Inisherin n’est pas moins hilarant que brillant. Quels sont les attributs qui font de nous des créatures sociales intéressantes ? D’ailleurs, que veut dire « être intéressant » ? Pour Pádraic, il faut être gentil mais pour son meilleur ami Colm, il faut être intelligent. Pour eux, ces deux injonctions sont incompatibles. Leur amitié y survivra-t-elle ? C’est pendant ces séquences de face à face — lorsque la répartie est plus tranchante après quelques pintes de Guinness — que McDonagh dévoile toute sa maestria de dialoguiste et de directeur d’acteur. Farrell et Gleeson se livrent à un jeu de confrontation rhétorique sanglante.
L’espace de la parole, McDonagh l’occupe et le remplit avec agilité, là où l’espace cinématographique est laissé béant. Le support filmique n’a aucune réelle pertinence et en voulant donner des impulsions esthétiques à son récit, il le rend de plus en plus stérile. Finalement, tout ce qu’accomplit Martin MacDonagh avec Les Banshees d’Inisherin, c’est de prouver qu’il est un dramaturge, à défaut d’un cinéaste, assez excellent.
Les Banshees d’Inisherin / De Martin McDonagh / Avec Colin Farrell, Brendan Gleeson, Kerry Condon et Barry Keoghan / 1h54 / Royaume-Uni / Sortie le 28 décembre 2022.