
Lvovsky et magie riment pourtant bien, l’exemple en quelques longs : Camille Redouble, et son touchant retour vers le passé accroché à la voix de Yolande Moreau, ou encore Les Sentiments, où le hasard provoque conjointement enchantement et drame.
Notons aussi chez la cinéaste un goût prononcé pour la nostalgie, pour les formes classiques revisitées dans un goût très truffaldien (Les Sentiments s’avouant volontiers remake de La Femme d’à Côté) ou plus généralement baigné d’une influence nouvelle vague dans son pendant le plus “pop”. Puis la part belle au jeu, des films de comédiens, de texte dit, là encore dans une pure tradition de la comédie auteuriste. La Grande Magie n’échappe donc pas à la recette. Un casting alléchant (Denis Podalydès, Sergi López, Judith Chemla ,François Morel…), un titre qui se suffit à lui même, dans une adaptation d’une pièce éponyme d’Eduardo De Filippo aux airs très années folles. Que s’est-il donc passé ?
Commençons par ce qui saute aux yeux pour ensuite s’attaquer aux oreilles. À l’image, on alterne donc les ambiances estivales, au demeurant plutôt réussies, et les ciels gris et plats dignes d’un mois d’août trop chaud. Très peu de constance, mais surtout un manque de finesse qui en ferait pâlir les meilleurs téléfilms de France TV (en tout bien tout honneur). À se demander s’ il n’y a pas fraude connaissant l’excellent travail qu’a l’habitude de délivrer Irina Lubtchansky (chez Desplechin par exemple). La mise en scène se perd entre séquences mi-rythmées/dansées et plan séquences documentarisants, pour finalement se dissoudre dans une sorte de platitude. Sentiment qui ressort par ailleurs d’une façon récurrente de tout ce qui touche de près ou de loin au film.
Parlons maintenant jeu. Non que les comédiens soient mauvais, mais le surjeu vaudeville années 30, couplé aux costumes dignes d’un Secret d’Histoire et aux situations toujours plus convenues et attendues, n’aident réellement pas… C’est alors que surgit le sommet, qui par temps clair n’aura pas mis longtemps à se dégager. La musique. Feu Chatterton, en effet, feu cher Chatterton… Que ces textes, sûrement sous influence Demy, ne cessent de pousser au suicide pour la seconde fois. Des compositions plates (serait-ce finalement là une intention ?), pour des paroles plates, quasi-auto parodiques tant elles sont là encore attendues.
En bref, une revue vaudeville pour prof de français, une comédie insipide comme il en existe tant. Et ce n’est pourtant pas faute d’essayer, le sourire de Lvovsky irradie l’écran, on sent de réelles intentions de formes, une volonté de faire vivre une troupe… Malheureusement rien ne prend. Un accident de parcours comme il en arrive parfois. Restons plutôt dans nos doux rêves bercés par la voix de nos mères à la façon d’un Camille Redouble, ou prenons nous de passions pour nos voisin(e)s d’en face avec Les Sentiments, comme nous l’évoquions…
La Grande magie / De Noémie Lvovsky / Denis Podalydès, Sergi López, Noémie Lvovsky, Judith Chemla, François Morel, Rebecca Marder, Damien Bonnard / France / 1h50 / Sortie le 8 février 2022.