
Le 2 juin 2017, Reality Winner rentre chez elle comme tous les autres soirs. Mais le 2 juin 2017 n’est pas un soir comme les autres : deux agents du FBI l’attendent devant sa porte. Accusée d’avoir dévoilé des informations confidentielles de la NSA aux médias, la jeune femme devient l’objet d’un interrogatoire musclé. À partir de la transcription de l’enregistrement audio de ces quelques heures naissent une pièce, puis un film.
L’enregistrement audio contient non seulement les voix des protagonistes mais aussi les sons alentours qui se font entendre dans l’enceinte de la maison et du jardin de Reality durant la fouille du FBI. Certains de ces sons sont évidents, d’autres moins. Tina Satter leur appose des images, du mouvement, les lie entre eux pour former un ensemble audio et visuel cohérent, mais aussi oppressant. Dans ce huis-clos, le spectateur en sait moins que les personnages ; les techniques interrogatoires du FBI lui paraissent rudes et les réponses de Reality ambiguës. Faut-il les condamner eux ou elle ? En suivant la transcription sans préambule, la cinéaste nous place immédiatement dans un espace visuel et sonore restreint : pas de flashback, pas de voix-off, pas l’ellipse, aucune diversion. Nous pénétrons en même temps que les agents dans l’espace privé de la jeune fille et nous n’en sortirons qu’après avoir extirpé le plus enfoui de ses secrets.
Cette prise en otage du personnage et du spectateur est aussi exaltante que frustrante. Dans la transcription, des passages restent classifiés et la cinéaste choisit – à juste titre – de ne pas spéculer : lorsqu’une réponse, une date, un nom, un pays n’est pas dévoilé, les personnages disparaissent de l’écran un bref instant. Leur matérialisation physique n’existe qu’à travers leurs mots. Mais ces effets de « zapping » paraissent de plus en plus racoleurs au fil de leur utilisation. La musique et les couleurs sont autant de lourdeurs stylistiques dont Satter s’embarrasse. Ces choix de mise en scène et de montage ressemblent à ceux, souvent racoleurs, de la télévision et manquent de la grâce dont sait se parer le cinéma.
L’exercice de style auquel se livre Tina Satter avec Reality est donc tout à fait pertinent mais sa mise en pratique reflète parfois un certain mauvais gout. Néanmoins, ce qu’il est tout à fait impossible de reprocher à la cinéaste est le choix de Sydney Sweeney, absolument admirable dans le rôle principal.
Reality / De Tina Satter / Avec Sydney Sweeney, Josh Hamilton et Marchánt Davis / États-Unis / 1h25 / Prochainement au cinéma.