
La nostalgie est semble-t-il affaire de notre temps. Combien de sorties récentes nous replongent dans ces reconstitutions, se voulant souvent “esprit d’époque”, se targuant en quelque sorte de laisser voir “la vérité” d’un passé que l’on regrette, que l’on ne se lasse de contempler. D’aucuns pourraient y voir une forme de crainte d’un présent ou d’un futur moins lumineux que ces petites madeleines colorées. Voilà que François Ozon s’y met également (même si Peter Von Kant, Huit femmes et Potiche tenaient déjà du pastiche de film d’époque), avec la subtilité de ne pas reconstituer un temps mais d’en pasticher le corpus cinématographique. Résultat : une liesse ludique, le plaisir de l’ancien, la fougue du contemporain.
Paris, 1935. Madeleine (aspirante comédienne) et Pauline (jeune avocate) vivent ensemble dans une chambre de bonne qu’elles n’ont même pas les moyens de payer. Voilà Madeleine accusée du meurtre d’un producteur dont elle a refusé les avances. Ni une ni deux, le duo se lance dans un procès retentissant, tribune des talents respectifs de chacune qui les mènera toutes deux vers le succès, non sans un lot de péripéties trépidantes.
Dès la première minute, le ton est lancé, une composition millimétrée, un soin tout particulier aux décors, aux costumes… Et surtout une théâtralité complètement assumée, des dialogues ciselés, qui instantanément évoquent nos souvenirs de vaudeville… Mais pas seulement, c’est tout un univers cinématographique auquel le cinéaste fait appel, une série de clins d’œil à Mankiewicz, Lubitsch, Wilder évidemment mais aussi à Clouzot, duquel Ozon transporte en quelque sorte le fameux 36 Quai des Orfèvres au féminin (bien que Mon Crime soit une adaptation théâtrale d’une pièce d’époque).
Une foule de références maniées d’une main de maître qui servent une cohérence narrative et visuelle grandiose et qui se paie également le luxe d’offrir une seconde lecture au spectateur, une chasse aux références ludique qui ravira les cinéphiles. Forme ludique qui se retrouve aussi dans le jeu des acteurs, un casting phénoménal où chacun semble prendre un plaisir enfantin à incarner des personnages instantanément iconiques, tous mieux écrits les uns que les autres. Des rôles taillés sur mesure donc, avec de ravissantes petites surprises (un Dany Boon avec l’accent du sud par exemple !). Ajoutez des décors plus vrais que dans les cinémas d’époque, un malin plaisir à reconstituer un Paris plus parisien que jamais, une photographie splendide, des costumes tout aussi réussis, des dialogues aux petits oignons… Et surtout une vraie finesse dans le maniement de la question du genre ; qu’il soit sexuel ou cinématographique…
Un plaisir dont on se délecte, un petit parfum d’Ozon, qui sait rire avec son public, et offre comme à son habitude de splendides premiers rôles féminins (saluons tout particulièrement notre duo Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder), sans pour autant délaisser le moindre personnage. L’aurait-on déjà trouvée, la comédie la plus rafraîchissante de l’année ?
Mon Crime / De François Ozon / Avec Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, Dany Boon, André Dussolier / 1h42 / France / Sortie le 8 mars 2023
Peut-être bien… En tout cas elle fait un bien fou.
N’y aurait-il pas soupçon de Resnais à ajouter à la panoplie des références ?
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