The Host

2006 / Ressortie le 8 mars 2023

© The Jokers

Alors que la prochaine œuvre de Bong Joon-ho se fait toujours désirer, les salles françaises s’offrent la ressortie de The Host, paru 17 ans plus tôt et bénéficiant d’une cure de jouvence 4K. Voilà l’occasion de redécouvrir le réalisateur sud-coréen en pleine jeunesse et aux rênes d’un blockbuster multi-face qui brisa tous les records d’audience en Corée mais demeura assez confidentiel chez nous. Plus d’une décennie avant le triomphe planétaire de Parasite, Bong Joon-ho prouvait-il déjà son génie ?

Ne tergiversons pas : la réponse est oui, preuve en est la première séquence. Dans un laboratoire anonyme, si insalubre qu’on se croirait être dans une morgue, deux scientifiques déversent des produits chimiques périmés dans le lavabo, conscient que les égouts rejoignent le fleuve du Han et sa faune. Des années plus tard, une bête gigantesque et affamée attaque les riverains et la famille picaresque des Park, héros malgré eux. En contre-courant des films d’actions de son époque avec leurs montages survoltés et leur shaky caméraThe Host utilise un montage fluide, un grand angle qui dévoile tout et des travellings amples qui viennent interrompre des gros plans extrêmes sur des visages tordus de peine. Il trompe même nos attentes en montrant la créature dès l’introduction, en plein jour, difforme et majestueuse, faisant fi de toutes les règles de ces films voulant retarder l’apparition de la menace. La maîtrise de la caméra, calme et posée, tranche avec le chaos de la foule en panique, de la sauvagerie de l’animal et des individualités burlesques de chaque membre de la famille Park, et permet d’ouvrir le film avec une maestria narrative et visuelle sans points morts.

Voilà que la bête repart, laissant derrière elle une population traumatisée, un gouvernement paranoïaque et une famille prête à tout pour retrouver leur fille enlevée, sans permettre aux spectateurs de reprendre leur souffle et de comprendre que tout ce qui est advenu n’était que l’introduction. The Host se développe comme une aventure rocambolesque qui emprunte autant à la science-fiction, qu’au récit de monstre ou au thriller urbain et mêle le tout —Bong Joon-Ho oblige— avec un humour noir jouant sur la physicalité et la médiocrité des personnages. Le slapstick magnifie la famille de bras cassées, chacun incapable de tenir en place, ballottés d’échecs en échecs dans un Séoul transformé en champ de bataille. Avec un rythme implacable, The Host aborde chaque scène in medias res, évitant tout superflu sans jamais perdre le spectateur. Le décor et quelques objets symboliques suffisent à faire comprendre la progression de l’histoire et de ses personnages avec une efficacité et une confiance narrative bien trop rares dans les blockbusters de ce genre. 

La ressortie 4K ne fait pas l’erreur de « moderniser » l’œuvre avec une saturation complète des couleurs sous prétexte d’un réalisme en nuance de gris. The Host sait être pétillant de couleurs franches ou au contraire faire ressortir la crasse noirâtre et le rouge poisseux du sang. La créature n’est plus l’incrustation numérique maladroite de 2006 et obtient ici une bien meilleure incarnation, tout en chair maladive et menaçante, paradoxalement aussi lourde qu’élastique. Aussi, le film gagne une dimension nouvelle dans cette sortie post-Covid lorsque le pays filmé par Bong Joon-Ho se cannibalise sous la crainte d’une épidémie.  

Cependant, ce portrait des autorités est là où le film trébuche. On se retrouve souvent surpris devant une une telle incompétence de la part des forces de l’ordre, bien incapables de retrouver un poisson-amphibie radioactif de six tonnes dans un fleuve ; au contraire, les protagonistes révèlent une force (pour ne pas dire une chance) insoupçonnée, aptes à se tirer des pires situations avec une facilité déconcertante. Si on peut voir la charge sociale que Bong Joon-ho a injecté dans son récit, avec une société piégeant et affamant ses classes les plus démunies, le symbolisme trop évident ridiculise son propos et tend même à rendre certaines scènes pompeuses, bien loin de la maestria du reste de l’œuvre. Ce ne sont tout-de-même que de bien rares maladresses devant un film qui s’érige en surprenante réussite, aussi bien narrative que visuelle, et confirme ainsi que le véritable monstre n’est pas une créature aquatique, ni les forces de l’ordre, ni un virus, mais un réalisateur qui n’est qu’au début de sa carrière.

The Host / de Bong Joon-ho / avec Song Kang-ho, Park Hae-il, Bae Doo-na / 1 h 59 / Corée du Sud / sortie le 8 mars 2023

Une réflexion sur « The Host »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :