
Tout commençait pourtant si bien. L’un après l’autre, des jeunes s’expriment le cœur ouvert, face à la caméra, dans un décor immaculé prouvant leur sincérité, avec des discours témoignant toute la difficulté ubuesque de toujours être un « vrai mec ». Ouvrant son œuvre comme un documentaire, le réalisateur Fabian Hernandèz choisit la simplicité pour aborder un sujet complexe : le sort de délinquants de Bogotá baignant dans la masculinité toxique, traitement placebo contre leur extrême pauvreté tant matérielle que psychologique. En quelques minutes, les fondations sont posées, remarquablement solides.
Passée l’introduction, nous voilà propulsés dans la vie de Carlos (Felipe Ramirez), petit dealer taciturne qui vit à la petite semaine pour soutenir sa mère emprisonnée dont on ne verra jamais le visage et sa sœur Nicole (Juanita Carrillo Ortiz) qui se prostitue pour éponger ses dettes. Le protagoniste construit un récit initiatique à revers : si le début du film indique sa volonté profonde de s’intégrer dans un idéal d’un « vrai homme », chaque péripétie le forcera à ouvrir les yeux sur la cruauté d’un monde poursuivant un code d’honneur absurde. L’acteur principal détonne, non pas par son jeu bloqué dans une sempiternelle moue pensive, mais bien par son physique androgyne, à l’écart, trop fragile pour avoir le respect de son entourage. Il se couple à à une mise en scène sensible et juste, si proche de Carlos qu’il l’isole sauf dans les rares moments où le protagoniste laisse exprimer toute sa peine : la caméra s’éloigne, trop pudique devant un homme qui (enfin) pleure.
Pourtant, Un varòn peine à convaincre, cédant aux sirènes du misérabilisme puis d’un récit de gang sympathique mais faiblard. Mis à part Carlos, la plupart des personnages hantent cet univers sans jamais parvenir à s’incarner, tous trop unidimensionnels pour mieux condamner le virilisme du milieu. Si la plupart des scènes détaillent le quotidien de ces populations au bord du gouffre, le tout s’enfonce dans une monotonie paresseuse pour se conclure en queue de poisson. Surtout, c’est cette incapacité du film à approfondir ses propos, à rester dans un discours qu’il a balisé dès les premières minutes et qui guide le reste de l’œuvre comme un manuel scolaire. « Dans la rue, on a que nos vêtements sur le dos et notre parole » affirme-t-on au début : dans Un Varòn, on n’a qu’un acteur et un propos émacié.
Un Varòn / par Fabian Hernandez / avec Felipe Ramirez, Juanita Carrillo Ortiz, Diego Alexander Mayorga / Colombie / 1 h 22 / sortie le 15 mars 2023.