La Conférence

Actuellement au cinéma

© Condor Distribution

Aborder un sujet aussi grave que l’Holocauste n’est pas aisé, surtout lorsque le cinéma a déjà approché cette époque avec déjà nombre de propositions personnelles et définitives. Dans le sillage des classiques de Lanzmann, Resnais ou Polanski, le réalisateur Matti Geschonneck propose La Conférence, exploration de la conférence de Wannsee lors de laquelle des hauts dignitaires nazis ont tracé les grandes lignes de l’Holocauste. Remake d’un film paru en 1984, doit-on craindre la redite ou, pire, un drame de mauvais goût ?

La première séquence, prélude de la réunion, présente nos différents protagonistes principalement par leur position hiérarchique. Il est difficile de s’y retrouver dans ces treize faciès impeccablement rasés et ces uniformes identiques. La mise en scène, une suite ininterrompue de champs et contre-champs, ne donne aucun rythme et suggère avec peine le conflit et les thèmes à venir. Là où Douze Hommes en colère introduisait des jurés anonymes avec brio, La Conférence rend presque ennuyeuse cette rencontre qui décidera du sort de millions. On note aussi l’utilisation paresseuse —bien que brève— d’une voix-off qui répète les images.

Puis, la discussion commence, et le film avec. Le réalisateur prend le parti d’une esthétique sobre et épouse le stoïcisme de ses personnages. Sans aucun accompagnement sonore, le huis-clos est absolu et expose un contraste glaçant : dans une pièce si impersonnelle qu’elle parait hors du temps, treize individus débattent de l’Holocauste comme d’un défi administratif. Une subtile mécanique de désensibilisation se met graduellement en place : les chiffres de la tuerie sont si gargantuesques qu’ils sont insensés ; les seuls Juifs qui sont défendus sont les ouvriers très qualifiés ; on ne parle plus de morts mais d’efficacité. Le dialogue incessant se fond dans la tonalité monocorde de ses personnages pour mieux nous faire plonger dans l’état d’esprit d’hommes prêts à commettre un génocide.

Durant cette impitoyable banalisation du mal, deux êtres se démarquent. D’abord, le commandant Heydrich (joué par Philipp Hochmair), protagoniste de facto dont le leadership affectueux tranche avec sa détermination à trouver la solution la plus définitive. Le Dr Stuckar (Godehard Giese), membre du ministère, prend lui le rôle de l’antagoniste par son arrogance et sa ruse. Le film compartimente son long débat autour de ses grands points de contentions. Où trouver les finances ? Quel gouverneur verra sa région « purifiée » en premier ? Quel sort pour les Juif mixtes ? Comment ne pas choquer l’opinion publique ? La Conférence suit une mécanique huilée et nous fait comprendre la morale perverse de ces dignitaires haineux, prêt à faire de leur glorieux Reich un empire entièrement constitué d’assassins. On ressort sonné de cette conférence dont la triste conclusion appartient à l’Histoire.

La Conférence / réalisé par Matti Geschonneck / avec Philip Hochmair, Maximillian Bruckner, Godehard Giese / Allemagne / 1 h 48 / sortie le 19 avril 2023

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