Sublime

Actuellement au cinéma

© Outplay films

C’est dans une petite ville bourgeoise, sur la côte Argentine, au milieu des souvenirs et des photos d’enfance, que la caméra capte les premiers moments de ce qui se révèlera être une ode à l’amitié et à l’amour.

L’ouverture propose d’emblée des images tirées d’un film de famille, embrassant les lieux, se promenant de droite à gauche, réalisant des mouvements de va et vient, comme le corps d’un guitariste qui se tend et se détend, métaphore du désir, de la sexualité. C’est l’anniversaire de Manuel, et Felipe, son meilleur ami, se fait attendre. Il arrive tout sourire à la fête, serre le protagoniste dans ses bras, et l’aide à souffler ses bougies. C’est une complicité, une connivence, deux âmes liées qui s’unissent, avant qu’un saut d’une dizaine d’années dans le temps soit réalisé par le biais d’une ellipse: nous nous retrouvons dans une chambre d’ado, avec les mêmes photos accrochées un peu partout sur le mur – témoignage d’une amitié sans bornes, qui traverse les ans.

Manuel et Felipe trainent sur la plage, se chamaillent, rigolent en murmurant des tu préfères… délirants, refont le monde, au sein d’une bande de quatre, qui se dessine également en groupe de rock. Quand bien même les thématiques presque clichées de la plage, de l’éveil à la sensualité, des filles, ont déjà hanté nombres de films, Sublime joue avec parcimonie et élégance à tanguer entre toutes ces impressions de déjà vu, associées aux chroniques adolescentes. La plage est ici celle d’un océan plutôt froid, terrain de jeu propice aux moments de détentes. Le rock n’est pas celui qui mène à la célébrité, mais celui que l’on joue dans le cocon d’un sous-sol calfeutré Les filles, quant à elles, sont celles que l’on cherche à séduire, sans réellement se poser de questions, dans la bienveillance et l’écoute de chacun :  » ton coeur bat super vite « , et « ne t’inquiète pas« , chuchote Manuel à l’oreille de sa copine, tous deux dans un van apprêté pour une première fois, alors qu’elle ne veut pas, hésite.

Chaque personnage possède ceci de touchant et de subtil, une psychologie fouillée, qui s’attarde à griffonner des attentes, interrogations, créant un centre de gravité, autour duquel déambule Manuel, capturé par des plans serrés et intimistes, affectueux. Qui suis-je ? Qui m’aime ? Qui m’attire ? Le sens réside dans le terme de construction : construction identitaire, construction d’un groupe de musique, construction sexuelle…

Le film dévoile le lent basculement d’une amitié vers une affection plus profonde, amorcée par la musique, dont les paroles, sans haine, sans colère – même après une rupture amoureuse – recèlent une dignité imposante, malgré leur naïveté, et leur teinte fleur bleue, tout comme l’espace scolaire, investi pour activer les désirs enfouis et inavouables de Manuel. C’est un récit d’apprentissage, d’apprivoisement réciproque, qui laisse place à un univers couleur chair, naissant des songes du protagoniste. Les rêves parsèment l’histoire de leurs teintes érotiques, fantasmées, et s’étiolent au réveil, au creux de la brume du petit matin. « En quoi c’est mal d’éprouver des choses ? » demande le père de Manuel, alors que sa relation avec sa femme se dégrade. Et il n’y a aucun mal, en effet, à éprouver, dans un monde sans histoires, bourgeois – cela aidant – où aucun personnage ne relève l’homosexualité comme une marge, normalisant par cette bienveillance une romance en train de s’écrire.

Dépeintes avec délicatesse, les émotions filent au bout des doigts qui pincent les cordes d’une guitare, s’accordent, le temps d’un doute propre à l’univers incertain et bancal de l’adolescence, à l’exploration des relations entre les êtres. 

La présence quasiment constante de la musique, placée au premier plan, refrain d’une mélodie que l’on aurait trop entendu, vient toutefois faire légèrement ronronner l’intrigue, les paroles venant dire un peu trop frontalement les pensées refoulées de Manuel, qu’il reste difficile de confier dans le flux des conversations, par pudeur ou par peur de la réaction épidermique qu’elles pourraient susciter. Les chansons sont présentes comme catalyseur, et empiètent, dans une dimension propre au clip musical, sur l’image, le cinéma lui-même. 

Sublime / De Mariano Biasin / Avec Martin Miller, Teo Inama Chiabrando, Azul Mazzeo / Argentine / 1h40/ Sortie le 17 mai 2023.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :