
Le pessimisme et la noirceur de ce nouveau film de Woody Allen rappellent à quel point le metteur en scène est un grand dramaturge : on pense sans cesse à Tennessee Williams devant les relations usées qui animent les personnages désillusionnés de Wonder Wheel. La trame est classique : Ginny (Kate Winslet) se morfond, actrice ratée désormais serveuse, en couple avec Humpty, mari violent (Jim Belushi). Elle s’éprend d’un maître-nageur aspirant à devenir écrivain (Justin Timberlake), mais leur relation est très vite troublée par l’arrivée de Carolina (Juno Temple), la fille d’Humpty, qui fuit un mari mafieux voulant sa peau. L’image remarquable de Vittorio Storaro se fait le miroir de l’âme des protagonistes : les couleurs éclatent de désenchantement, comme celles d’une carte postale surannée.
Woody Allen continue de décliner avec talent et invention quelques grands thèmes qui parcourent son oeuvre – la volonté, la responsabilité, le hasard. Dans le dernier quart du film, la prise de décision paroxystique dont dépendra l’avenir de tous les personnages, qui fait basculer la dramaturgie (ici un coup de téléphone), est amenée avec autant de maîtrise et d’intensité que le rebond de Match Point. L’action se déroule dans les années 1950, à Coney Island (Brooklyn), parc d’attractions en bord de mer cher à Woody Allen. On apercevait déjà la grande roue « wonder wheel » dans Annie Hall (1977), dont la circularité évoque autant le temps qui passe (entre les films ?) qu’une roue de hamster dans laquelle l’homme est pris au piège. La maison d’enfance d’Alvy Singer, qui se situait aussi à Coney Island, tremblait à cause de sa proximité avec les montagnes russes. Ici, se sont les tirs des jeux de fête foraine qui imposent leur rythme, dans ce parc d’attractions qui est un théâtre où la vie est constamment mise en tension, et en jeu.
Wonder Wheel / De Woody Allen / Avec Kate Winslet, Jim Belushi, Juno Temple, Justin Timberlake / Etats-Unis / 1h41 / Sortie le 31 janvier 2018.
2 réflexions sur « Wonder Wheel »