
Le nom du salon de toilettage de Marcello, Dogman, s’impose d’emblée comme un qualificatif de sa personne : dès le début du film, le héros apparaît comme cet « homme chien », fidèle et soumis corps et âme à l’un de ses voisins, Simoncino, une brute sans cerveau accro à la cocaïne et à la violence qui terrorise le quartier. Marcello est son martyr, employé dans des entreprises criminelles sans guère en avoir le choix…
Les multiples enjeux de la relation maître-esclave des deux personnages principaux sont illustrés avec brio par la mise en scène, qui exploite les nombreuses analogies offertes par l’univers canin. Lorsque Marcello appelle Simoncino, alors que celui-ci fait de la moto à toute allure, ses cris sont inutiles, il ne viendra pas à ses pieds : dans ce film, il est difficile de renverser la tendance et d’inverser le déterminisme. Le cadrage se joue aussi de l’écrasement du personnage. Tantôt éclipsé par la corpulence de Simoncino, tantôt inexistant à côté d’un chien qui fait deux fois sa taille, Marcello est maintenu dans un carcan qui nourrit et alimente sa volonté impuissante de s’en sortir. Il faut dire qu’avec son corps gringalet et son visage émacié, éclairci par un sourire que l’on identifie immédiatement, Marcello Fonte, récipiendaire prix d’interprétation masculine à Cannes cette année, est pour beaucoup dans la réussite du film.
Matteo Garrone donne à voir la peinture désespérée d’une Italie moribonde. L’essentiel de l’action se déroule dans un quartier de la banlieue napolitaine poisseux et décrépi, qui a tout d’un vestige. Quand au seul horizon vers lequel peut tendre Marcello, c’est celui que lui offre la mer, sur laquelle son regard s’attarde parfois. Et lorsqu’il prend le large avec sa fille, moments de respiration privilégiés, c’est pour faire de la plongée sous-marine… Un sentiment d’asphyxie irrigue le récit et lui donne toute sa force, à l’image de cette scène d’anthologie dans laquelle Marcello s’apprête à prendre sa revanche sur son bourreau, où l’on passe en quelques minutes de la jubilation la plus forte à l’effroi le plus terrible.
Dogman / De Matteo Garrone / Avec Marcello Fonte, Edoardo Pesce / Italie – France / 1h39 / Sortie le 11 juillet 2018.
Une réflexion sur « Dogman »