Little Joe

Au cinéma le 13 novembre 2019

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Alice et ses fleurs… Emily Beecham dans Little Joe ©The Coproduction Office

Alice est une phytogénéticienne, spécialiste du développement des végétaux, passionnée par son travail auquel elle dédie tout son temps. Ses dernières recherches ont été consacrées à la création d’une fleur aux vertus thérapeutiques : elle est censée rendre heureux son propriétaire. Alice décide d’en ramener une chez elle pour l’offrir à Joe, son jeune fils, avec qui les relations sont assez glaciales. Pas sûr que l’étrange fleur arrange vraiment les choses…

Voici un film qui ne ressemble à aucun autre. Œuvre de science-fiction esthète, Little Joe possède les contours d’un univers à la fois neuf et familier. Il installe des grands schémas connus en prenant soin de les déconstruire. Une ambiance clinique dans un laboratoire ? Des couleurs séduisantes attirent l’œil. Un foyer sécurisant ? Une musique agressive, faite de bruits métalliques et d’aboiements, réveille nos sens et nous met en alerte. Du rouge vermillon des fleurs, dont la forme rappelle les cheveux en champignon d’Alice, à cette musique sortie d’un cauchemar, chaque plan dessine un espace qui se laisse admirer comme une toile, et percevoir dans une disharmonie futuriste. Avec son aspect fabriqué assumé, Little Joe n’est pourtant pas perché dans les hautes altitudes du cinéma conceptuel, l’atmosphère provoquée par les dissonances et les attitudes étranges des personnages n’est pas que pur effet de style. À mesure que la fleur suscite l’inquiétude et trouble les comportements, elle interroge d’emblée l’altérité et l’identité même des protagonistes, de façon presque ontologique. La fleur « Little Joe », supposée dégager un sentiment de bonheur, se fait alors le symbole artificiel d’une société malade dont les membres sont totalement déconnectés, inaptes à communiquer…

L’intelligence du film est de faire passer le changement des êtres derrière une ligne invisible. On comprend que les personnages ne sont plus eux-mêmes lorsque leurs proches ne les reconnaissent plus, mais nous ne voyons pas vraiment la différence. Dès le départ, Alice est un être assez froid et intriguant, sa mutation reste énigmatique. Change-t-elle à cause de la fleur ou reste-t-elle la même ? Le décalage entre son incapacité relationnelle et la relation de dépendance qu’oblige l’entretien de la fleur (il faut lui parler) entraîne même quelques moments absurdes. Tout comme sa comédienne principale Emily Beecham, récipiendaire du prix d’interprétation au festival de Cannes pour ce rôle, le film échappe aux archetypes et ne se cerne que dans la libre interprétation qu’il nous offre – presque un luxe aujourd’hui, où les films cherchent souvent à expliquer leurs moindres ressorts dramatiques. L’un des motifs de la grammaire cinématographique adopté par la réalisatrice Jessica Hausner consiste à faire un lent travelling avant lors d’un dialogue entre deux personnages. Il montre le vide qui les sépare. Un écart à combler, une béance à imaginer.

Little Joe / De Jessica Hausner / Avec Emily Beecham, Ben Whishaw, Kerry Fox, Phénix Brossard / Autriche – Allemagne – Angleterre / 1h45 / Sortie le 13 novembre 2019.

Retrouvez notre entretien avec la réalisatrice Jessica Hausner et l’actrice Emily Beecham.

Une réflexion sur « Little Joe »

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