
La disparition du rédacteur en chef d’un journal américain basé en France donne l’occasion de plonger à l’intérieur des histoires qui formeront une ultime publication. La mise en scène de Wes Anderson se radicalise à travers une créativité formelle visant l’excès. Un film d’obsessionnel pour obsessionnels.
L’expression de « galerie de personnages » n’aura jamais été aussi adaptée pour mettre à jour l’approche des personnages par Wes Anderson. The French Dispatch est la visite d’un musée animé, un voyage devant des cadres peuplés de figures en mouvement, habitantes d’une maison de poupées dont les portes et les fenêtres s’ouvrent une à une. Par un geste extrêmement ludique, le cinéaste se fait prestidigitateur et marionnettiste, ses comédiens apparaissent et disparaissent en même temps que les formats et les couleurs changent. On n’en croit pas nos yeux.
Le fétichisme de Wes Anderson avec ses sujets n’est pas nouveau, il forge son identité visuelle depuis Bottle Rocket (1996). Mais cette fois, la multiplicité d’histoires lui permet d’aller très loin dans son perfectionnisme. La ville fictive d’Ennui-sur-Blasé résulte d’un monde fantasmé, même lorsque son décor de rues pavées convoque un événement historique, mai 68. La culture française est appréhendée avec une naïveté et un humour qui ne se départissent pas d’un sincère premier degré : qu’il s’agisse d’une histoire de désir en prison ou d’un polar invraisemblable, la générosité du récit évoque celle d’un journalisme qui savait se faire roman, d’une écriture d’aventures dont l’imagerie faisait rêver.
Wes Anderson bute tellement contre le réel en créant son propre monde qu’une séquence devient un court-métrage d’animation. Son inventivité visuelle sidère sans cesse tandis que certains enjeux passent au second plan, lorsque l’esthétique prime sur les histoires mêmes. On aimerait agrandir certains détails en passant une loupe au-dessus de l’écran, revenir en arrière pour s’attarder plus longuement dans une pièce, c’est-à-dire qu’on souhaiterait presque le feuilleter davantage que le voir dans sa continuité. Mais puisqu’il s’agit d’un film, et pas d’une série de vignettes indépendantes, ce déferlement qui envahit l’espace sans préserver de zones de respiration fait office de manifeste. The French Dispatch provoque admiration et saturation, deux sentiments qui ne sont à aucun moment dissociés.
The French Dispatch / De Wes Anderson / Avec Bill Murray, Léa Seydoux, Timothée Chalamet, Frances McDormand, Adrien Brody, Benicio del Toro, Willem Dafoe, Owen Wilson, Lyna Khoudri / Etats-Unis / 1h48 / Sortie le 27 octobre 2021.
Je retiens « admiration » et « saturation », un geste artistique qui semble provoquer un sentiment mitigé. J’hésite encore à le voir en salle.
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Qui ne sont à aucun moment dissociés Oui puisque qu’on s’y plait en s’y perdant, la « saturation » due au primat de son esthétique est une illusion agréable. à un moment je laissais juste les images défiler sans vraiment m’occuper de la narration
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