
George (Jesse Plemons) et Phil (Benedict Cumberbatch) tiennent un ranch dans le Montana. Le premier est discret, gentil. Le second est brutal, acariâtre. Lorsque George épouse Rose (Kirsten Dunst), la dynamique qui régissait la fratrie est mise en péril, au grand regret de Phil.
Jane Campion n’est pas intéressée par les archétypes que semblent representer ses personnages. D’ailleurs, George tout en étant doux est aussi peu cultivé, parvenu et complaisant. Phil quant à lui, figure du cow-boy viril et machiste, est érudit, intègre et travailleur. À vrai dire, Jane Campion n’est pas intéressée par les personnages tout court ; seulement ce qu’ils représentent. Ainsi, ce n’est pas un film sur des frères, sur des hommes et une femme ou sur un enfant et des adultes mais plus généralement sur les pouvoirs implicites qui encadrent ces interactions.
The Power of the Dog est une œuvre sur les rapports de force et sur les mécanismes de cette domination, qu’elle soit sexuelle, politique, économique ou intellectuelle. Chaque personnage est sous l’emprise d’un autre mais pourtant cette ascendance paraît nécessaire, presque souhaitée, tant la solitude est la pire des solutions. Jane Campion dresse sous nos yeux un équivalent exclusivement humain de la chaîne alimentaire. Prédateurs et dévorés se tournent autour aux sons dissonants d’un piano et d’un banjo.
La réalisation tisse également ce parallèle avec brio : les animaux sont représentés avec attention, voire avec douceur. Le troupeau animal n’est pas bien différent de la meute d’humains. Et Campion filme avec justesse la peau animale et la peau humaine. Sale pour l’humain, soyeuse pour les animaux ; ou bien l’inverse. Car ce qui compte pour affirmer sa position, ce n’est pas qui l’on est mais ce qu’on présente aux autres, sa carapace, sa « fourrure ». The Power of the Dog devient alors un film fascinant de textures. Le tactile est aussi bien sujet que procédé. Effectivement, au-delà des mots, c’est par le corps que l’autorité doit se créer. Les carapaces et ce qui circule entre elles dans l’espoir de les atteindre, donc. Les superbes paysages vierges du Montana permettent à la réalisatrice de développer une magnifique esthétique de ce vide symbolique.
Le jeu d’ombres entre deux vallées, la simultanéité de deux sons, l’écart entre deux chevaux et la proximité entre deux corps. L’œuvre de Jane Campion est un western sensoriel sur les non-dits et les non-faits. Une lutte silencieuse et sans récompense pour la domination. The Power of the Dog c’est l’un de ces duels tacites d’une immense beauté.
The Power of the Dog / De Jane Campion / Avec Benedict Cumberbatch, Jesse Plemons, Kirsten Dunst, Kodi Smit-McPhee / Australie – États-Unis / 2h08 / Sortie le 1er décembre 2021 sur Netflix.
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