Portrait de la jeune fille en feu

Au cinéma le 18 septembre 2019

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©Pyramide Distribution

Marianne (Noémie Merlant), peintre ayant repris l’atelier de son père, est chargée par une comtesse de réaliser le portrait de sa fille Héloïse (Adèle Haenel). Mais ce tableau scellera un mariage que la jeune femme ne désire pas ; Marianne doit donc le réaliser en secret, se faisant passer pour une simple demoiselle de compagnie. Un jeu de regard commence entre les deux femmes.

Avec Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma vient enrichir le paysage cinématographique actuel d’une réflexion féministe somptueusement incarnée dans un récit fascinant. Primé à Cannes pour son scénario, le film est aussi, ou plutôt surtout, un film de mise en scène. Tout son travail sur le regard passe par la réalisation, par les images, par le jeu passionné des interprètes. Avec cependant un regret : ce feu dont nous parle le titre, et qui semble effectivement habiter Noémie Merlant et Adèle Haenel, on peine à le ressentir, on le perçoit sans vraiment le partager, comme si la mise en scène, toute préoccupée qu’elle était par son propos, tenait la passion légèrement à distance.

Mais le plaisir du spectateur vient aussi de la beauté des images, de leurs couleurs si nettes, des effets de lumière si picturaux. Quand le film joue à se faire passer pour un tableau le temps d’un plan, il ne s’agit jamais d’un acte esthétique gratuit, mais toujours d’enrichir la réflexion : quand l’image se fige et que les actrices prennent la pose, c’est la réalisatrice qui revendique de faire leur portrait, de nous en proposer cette représentation. Portrait de la jeune fille en feu est un film sur les femmes qui regardent les femmes : Marianne et Héloïse, Céline Sciamma et ses actrices, les spectatrices et les personnages, autant de couples qui se forment et se répondent.

Le talent de Céline Sciamma, c’est aussi de parvenir à évoquer l’oppression féminine tout en effaçant presque complètement les hommes. Seules quelques silhouettes de domestiques apparaissent ici et là ; l’adversaire immédiat dans le film est d’ailleurs une femme, cette mère voulant marier sa fille, prisonnière autant qu’actrice d’un système patriarcal. En opposition, à mesure que l’histoire progresse et que Marianne, Héloïse et la jeune domestique Sophie se rapprochent, c’est un espace purement féminin qui se construit, en même temps qu’une communauté qui se forme. Les thèmes qui sont alors abordés participent d’une réhabilitation du féminin : du corps, avec l’évocation des règles ou de l’avortement, mais aussi des comportements : jouer, fumer, se rassembler la nuit… et peindre, évidemment.

Plane malgré tout la menace d’un pouvoir masculin qu’on tend à oublier. Évoqué au début du film par le souvenir de la sœur d’Héloïse suicidée pour échapper au mariage forcé, il se rappelle plus tard cruellement aux protagonistes. Car ce portrait que Marianne essaie de se réapproprier reste destiné à un homme… Il ne reste plus à Marianne qu’à peindre de nouveau, mais cette fois pour soi, pour les autres femmes. Comme le fait Céline Sciamma avec son film.

Portrait de la jeune fille en feu / de Céline Sciamma / Avec Adèle Haenel, Noémie Merlant, Luàna Bajrami, Valeria Golino / France / 2h / Sortie le 18 septembre 2019.

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