
Le lendemain de la présentation de son documentaire Retour à Reims (fragments) à la Quinzaine des réalisateurs, en juillet dernier, le cinéaste Jean-Gabriel Périot nous accordait un entretien sur une plage cannoise. Le film, diffusé ce soir sur Arte, sortira en salles le 30 mars prochain.
Pourquoi adapter l’ouvrage de Didier Eribon Retour à Reims (2009) sous la forme d’un documentaire ?
L’idée n’est pas la mienne. J’ai été contacté par Marie-Ange Luciani, productrice que je ne connaissais pas encore et qui voulait adapter Retour à Reims de Didier Eribon, possiblement avec des archives. J’ai trouvé l’idée un peu curieuse puis j’ai relu le livre, en pensant à son adaptation. Il y a eu comme une évidence : beaucoup de choses résonnaient en moi, ce texte correspondait à mes réflexions actuelles sur mon travail, la politique, l’idée d’être transfuge de classe. Comment continuer à parler de l’endroit d’où je viens, qui est l’endroit des classes populaires ? Ce sont des réflexions qui tissent le livre, et l’adapter m’offrait la possibilité de revenir sur mon histoire familiale pour la partager.
Le titre du film diffère du livre à cause du mot « fragments ». Comment avez-vous motivé vos choix d’adaptation ? Vous avez été obligé d’abandonner certaines thématiques.
Le livre est un kaléidoscope. Il passe d’un temps à l’autre, d’un protagoniste à l’autre, les thèmes abordés passent d’une génération à l’autre. C’est un grand plaisir de lecture mais je ne voulais pas garder cette structure, avec des petits bouts de texte qui aborderaient plein de sujets différents. Je voulais une ligne claire. Finalement, ce qui était le plus important pour moi était de raconter une histoire de la classe ouvrière, en choisissant le personnage principal de la mère. Elle est l’objet du livre puisque c’est lorsque le narrateur retourne voir sa mère que tout démarre. Je suis resté sur cette idée, et le reste est parti uniquement parce qu’il n’y avait plus la place.
Une fois que vous avez choisi cette ligne, il a fallu partir à la recherche des archives, ce qui est la véritable écriture du film.
Cela s’est fait en plusieurs temps. D’abord, il y avait le premier montage du texte qui était trop long. Le jeu était d’essayer, à partir de cette base, de chercher des images pour chaque thème et de trouver des archives qui me permettent d’enlever des morceaux du texte, dans une logique de remplacement. Parfois l’image et le voix se répondent, parfois ce sont des échos, parfois il y a des moments d’illustration et tout cela s’écrit au fur et à mesure du montage. Le texte s’affine au regard des images que je trouve, c’est un emboitement progressif qui se poursuit jusqu’à la fin car le texte a changé jusqu’au mixage.
Où puisez-vous toutes les images d’archives ?
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