Retour à Reims (fragments)

Actuellement au cinéma

©Ciné-Archive – Fêtes de la voix de l’Est – Anonyme (1958)

Didier Eribon, philosophe et sociologue proche de Pierre Bourdieu, a publié en 2009 Retour à Reims dans lequel il interrogeait son identité sociale, enfant issu d’une famille d’ouvriers devenu « transfuge de classe ». Le cinéaste Jean-Gabriel Périot, spécialiste du montage d’archives, s’empare de ce texte personnel et politique pour en faire un livre d’images.

Certaines thématiques fortes dans le livre disparaissent (l’homosexualité, le changement de classe sociale) au même titre que la présence de l’auteur, au profit d’un discours implacable sur la domination sociale et les combats du monde ouvrier. Ce sont bien des « fragments » du livre adapté qui composent le film et ce terme en résume bien l’idée fondatrice : Jean-Gabriel Périot ne se place pas en sociologue ni en illustrateur, il orchestre un système d’échos visuels et auditifs pour faire parler des images appuyées par des extraits du texte. Touchantes, fortes, choquantes, amusantes, elles témoignent d’une France d’un autre temps (quoique, pas toujours si lointaine) et leur assemblage provoque des résonances intimes, attrapées au détour d’une phrase, d’un décor, d’un parfum d’autrefois.

Ce documentaire est un acte militant qui réfléchit en même temps sur lui-même, utilisant aussi des extraits de films. Pris sous l’angle discursif, ceux-ci nous sont donnés à voir avec un autre regard, comme cet extrait de La Crise de Coline Serreau (1992) dans lequel le personnage que joue Patrick Timsit affirme être raciste. Le documentaire double ainsi son histoire du monde ouvrier par celle de ses représentations au cinéma, traversant les courants des films militants et d’autres œuvres plus récentes.

Toute image est un document, tel est le langage du montage des archives. Celles-ci dessinent ensemble une histoire politique de la France ouvrière des années 1950 jusqu’aujourd’hui, le documentaire faisant le pont avec les luttes contemporaines prises pêle-mêle dans une conclusion qui donne de l’énergie, après une analyse du basculement d’une partie de l’électorat communiste vers l’extrême-droite. La voix d’Adèle Haenel, narratrice, fait corps avec ce récit, comédienne dont le nom et le timbre portent en eux l’essence des combats modernes.

Retrouvez notre entretien avec le réalisateur Jean-Gabriel Périot.

Retour à Reims (fragments) / De Jean-Gabriel Périot / Avec la voix d’Adèle Haenel / Documentaire / France / 1h23 / Sur Arte le 23 novembre 2021 et disponible en replay jusqu’au 28 mai 2022, au cinéma le 30 mars 2022.

2 réflexions sur « Retour à Reims (fragments) »

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