
Anne ne veut pas faire de sa vie un sacrifice. Elle ne peut pas garder l’enfant qu’elle porte et doit trouver une solution, alors que ses examens approchent et que l’avortement, en 1963, est illégal.
L’événement pourrait d’abord être un film sur le lycée. On suivrait une pré-adulte avec son groupe d’amies, leur entraide pour préparer le bac, les rencontres importantes qui déconcentrent le travail et donnent envie d’accélérer le présent. La lumière apporte à la reconstitution des années 60 l’esprit solaire d’une époque, lorsque les adolescents faisaient du stop pour rentrer dans leur ville de province et qu’ils dansaient en claquant des doigts, ou riaient avec leurs parents en écoutant la radio à l’heure du dîner.
Tout cela existe bien du début jusqu’à la fin du film. L’envie d’accélérer le présent aussi, mais pour une autre raison. Si le mot avortement est tabou, ce secret va occuper tout l’espace qui entoure Anne et préoccuper sa conscience, mettant sa vie entre parenthèses. Une fois le problème incorporé, elle se retrouve seule face à un monde et affronte la lâcheté d’un garçon, la traîtrise d’un médecin, la solidarité à vitesse variable des ses amies, puisque les adolescents sont le réceptacle des opinions de leurs parents lorsqu’ils n’ont pas assez d’expérience.
Audrey Diwan se démarque par la frontalité avec laquelle elle adapte le roman autobiographique d’Annie Ernaux (auteure inspirante pour les réalisatrices quelques mois après Passion simple), osant la représentation physique de l’avortement, nous suspendant à la douleur du personnage, au visage et au corps crispés d’Anne (incarnée par Anamaria Vartolomei, déjà premier rôle de My Little Princess d’Eva Ionesco en 2011). Ceux qui vivent autour d’elle, comme son professeur et sa mère, pourraient être des alliés mais son épreuve ne le permet jamais, parce que la société dans laquelle elle grandit ne l’admet pas. Elle n’a pas la possibilité de se confier aux personnages secondaires de son existence, l’avancement des jours est inévitable pour défier la « maladie qui frappe les femmes et fait d’elles des femmes au foyer ». Sa lutte solitaire lui confère une identité très forte sans qu’il ne soit oublié de nous rappeler son caractère presque ordinaire, raison pour laquelle le titre ne doit pas s’écrire avec une majuscule.
L’événement / D’Audrey Diwan / Avec Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet Klein, Luàna Bajrami, Sandrine Bonnaire, Anna Mouglalis, Pio Marmaï / France / 1h40 / Sortie le 24 novembre 2021.
L’événement a reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise.
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