
Chad Stahelski, toujours aux manettes, offre à son héros John Wick un requiem crépusculaire. Dans les lumières rougeoyantes de l’aube ou celles jaunâtres des néons, amis et ennemis s’entretuent pour un nouvel avenir, qui ne peut être accordé qu’après la destruction de leur passé.
Le dispositif narratif de ce quatrième chapitre de la saga John Wick tient en trois lignes et c’est d’ailleurs à peu près le nombre de répliques que prononce (tant bien que mal) Keanu Reeves. Si la silhouette de l’acteur est maintenant indissociable du personnage, ses difficultés à s’exprimer l’en éloignent de plus en plus. Cela étant, le réalisateur a le mérite de ne pas faire abstraction, voire pire, de gommer le vieillissement de son interprète mais de l’intégrer pleinement à son récit.
Ainsi, pour John Wick, la succession incessante de bastons s’avère lassante, épuisante. Les mouvements sont plus pénibles, la récupération plus longue. Ou cela s’arrête-t-il ? C’est la question que tous les personnages posent à John Wick, le confrontant à l’impossibilité de tuer « tout le monde ». Sa quête de vengeance dure depuis si longtemps qu’il est difficile pour lui – et parfois pour le spectateur – de se souvenir comment ou pourquoi elle commença.
Si la construction globale de ce quatrième chapitre est très peu intéressante elle révèle un élément de la saga qui l’est plus : John Wick n’est pas un film qu’il faut regarder dans son ensemble mais une œuvre, presque immersive, qui nous happe régulièrement – et presque uniquement, donc – dans ses scènes de combats. Si les liens entre chaque scène d’action laissent à désirer, ces séquences sont belle et bien ce qui régit et rythme le récit. Le réalisateur en est tout aussi conscient que les spectateurs. Pourquoi alors avoir choisi de rendre ces fades transitions si longues (le film atteint les 2 heures 50) ? Cela nous échappe. Mais, finalement, les scènes d’action s’étirent et se dilatent, faisant oublier qu’il a existé un entre-deux. John Wick : Chapitre 4 laisse la sensation d’un long combat acharné, linéaire et calculé, qui ne manque pourtant pas d’inventivité.
À Berlin, lors d’une soirée techno, à Paris, sur le rond-point de l’étoile, Chad Stahelski sait manifestement s’approprier un décor avant d’y catapulter ses séquences d’action. Ces dernières, plus lentes que celles d’autres blockbusters, prouvent encore une fois le savoir-faire technique d’un réalisateur, ancien cascadeur. Chaque prise de combat, chaque coup et chaque conséquence ont quelque chose de profondément vraisemblable.
En s’attardant sur l’ensemble nous ne pourrions donc pas cacher notre indifférence, voire notre légère deception, mais c’est dans les détails que recèle une forme indéniable de talent. Au cœur de John Wick : Chapitre 4 s’épanouit une inventivité étourdissante quant à la mise en scène de l’action. Peut-être que filmer des cascadeurs et leurs cascades, sans un recours flagrant aux effets spéciaux, se fait si rare que cela nous semble désormais profondément original…
John Wick : Chapitre 4 / De Chad Stahelski / Avec Keanu Reeves, Hiroyuki Sanada, Bill Skarsgård et Laurence Fishburne / États-Unis / 2h50 / Sortie le 22 mars 2023.