Rencontre avec : Eric Lagesse

Eric Lagesse. © William Lacalmont

Alors que les salles de cinéma sont toujours fermées, nous avons souhaité faire un point sur la situation et nous sommes entretenus avec Eric Lagesse, co-président du syndicat des distributeurs indépendants (DIRE) et dirigeant de Pyramide Distribution. Parmi les films sortis par Pyramide en 2020, on compte Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait, d’Emmanuel Mouret, sorti en salles, mais aussi The Singing Club de Peter Cattaneo, sorti directement sur Canal+.

Le gouvernement a laissé planer l’espoir d’une réouverture des salles le 15 décembre, puis le 7 janvier ; à chaque fois, il a été annoncé au dernier moment que cette réouverture n’aurait finalement pas lieu. La situation est toujours incertaine, mais la communication avec le gouvernement s’est-elle améliorée ?

Non, et elle ne s’améliorera pas tant que le gouvernement ne sera pas en mesure d’expliquer de façon claire, précise et convaincante pourquoi les cinémas sont restés fermés quand tous les commerces ont rouvert. Il y a là une injustice absolue. Le gouvernement a sacrifié les salles sur l’autel du Black Friday, et il continue aujourd’hui de le sacrifier sur l’autel des soldes, puisque j’imagine que si reconfinement il y a, celui-ci aura lieu après. Si tout était fermé, on ne se plaindrait pas ; mais tout est ouvert et on ne comprend pas pourquoi nous n’ouvrons pas. Dans un cinéma, les gens sont assis à deux sièges d’écart, avec masques, ne parlent pas, et on peut les empêcher de manger… Ce n’est pas un endroit à risque.

D’autant plus que dans d’autres pays, comme en Espagne, les salles sont restées ouvertes. Est-ce que cela pourrait être dû à une mauvaise connaissance du fonctionnement du secteur, une ignorance de la complexité de la programmation, de l’importance des frais de promotion à engager par les distributeurs… ?

Non, parce que cela fait des mois qu’on le leur explique. Mais le fait est que nous n’avons pas été entendus. Le gouvernement préfère sortir l’argent du porte-monnaie et nous le donner directement, pour nous faire taire, plutôt que de nous permettre de faire notre travail. Le problème, c’est qu’on va arriver à une situation qui ne sera plus compensable ; nous, nous allons être obligés de sortir des films en salle. Pas uniquement pour nous-mêmes, mais parce que ces films ont été faits par des producteurs, des réalisateurs, qui ont passé des années à se battre pour les faire, qu’il y a des financiers qui attendent des retours sur investissements, et la chronologie des médias… Nous allons donc les sortir, mais dans une fenêtre de tir de plus en plus restreinte, avec une concurrence de plus en plus gigantesque, qui va détruire la valeur de tous les films. Et ce n’est pas difficile à comprendre.

Si les salles avaient réouvert en même temps ou une semaine plus tard que les commerces, on aurait pu apurer près de soixante-dix films, une quinzaine par semaine. Il y aurait eu le couvre-feu, mais ils auraient pu survivre – il aurait fallu quelques mesures pour compenser l’absence des séances de vingt heures, mais ce sont des choses qui peuvent se négocier. En l’état actuel des choses, beaucoup de films ne vont pas se relever.

Notamment ceux dont l’exploitation avait été interrompue.

Continuer à lire … « Rencontre avec : Eric Lagesse »