
Après RoboCop et Totall Recall, Paul Verhoeven continue sa tournée américaine. Mettant en suspend pendant quelques années les intrigues de science-fiction, il s’attaque au thriller érotique. Et le cinéaste touche juste car, malgré les vives réactions qu’il suscita pour ses scènes sulfureuses, Basic Instinct fut un succès critique et commercial absolument fulgurant.
Le film s’ouvre sur une scène de sexe peu commune : une femme superbe dont on ne voit pas le visage offre à son amant un orgasme spectaculaire avant de l’assassiner avec un pic à glace. Notre premier protagoniste entre alors en jeu : Michael Douglas incarne l’inspecteur Curran. Le jeune homme séduisant au tempérament fougueux est en charge de l’enquête. Il lui faut donc retrouver la jeune meurtrière. Les belles blondes se succèdent alors jusqu’à l’absolue belle blonde et deuxième protagoniste : Sharon Stone. Sa première rencontre avec Curran donne le ton : elle jette sa cigarette du bout des doigts, offrant un sourire malicieux à l’inspecteur, qui ôte ses lunettes de soleil, comme pour s’assurer de la véracité de cette vision.
Si Curran ne le sait pas encore, le spectateur lui en est tout à fait conscient : la femme a déjà gagné. Le charme de cette première rencontre réside dans sa simplicité piquante. Tandis que Basic Instinct s’inscrit dans le genre du thriller érotique, très à la mode à Hollywood dans les années 90, l’hommage aux films noirs classiques que Verhoeven y mêle se dessine nettement. Si le noir et blanc n’est pas au rendez-vous, la figure de la femme fatale, de l’inspecteur alcoolique et colérique (le choix du fils Douglas ne peut être anodin), les somptueuses demeures américaines et les jeux de manipulation sont eux bien présents. Ce dessein de revisiter certains codes filmiques hollywoodiens et de s’approprier les règles d’un genre à la mode ne va pas sans ce goût prononcé pour la provocation que l’on connaît à Verhoeven. Ces outils cinématographiques serviront de base au cinéaste pour ce qui sera la véritable ambition de Basic Instinct : filmer la tentation.
Dans cette optique là, on comprend pourquoi la séquence de l’interrogatoire devient l’emblème mythique du film (le fameux plan de quelques secondes fût paradoxalement censuré lors de la sortie en salles). Les propositions lancées par Sharon Stone avec une désinvolture sournoise se multiplient. Offre t-elle à l’inspecteur une cigarette ? Une nuit à ses côtés ? Difficile de dire non à l’un ou à l’autre. Alors que la tension scénaristique augmente et que la nervosité de la réalisation s’intensifie, la sensation de frustration se fait ressentir pleinement. Mais il s’agit d’une frustration lubrique si grande qu’elle ne peut se résoudre que dans une extrême violence sexuelle. Si le plaisir est à double tranchant, son assouvissement doit être unique et fatal.
Ces miroirs déformants et reflets miroitants sur les visages des personnages nous laissent les envisager comme des pages vierges – pour suivre le parallèle littéraire mis en place par film – ou des écrans blancs. Ils ne sont finalement que des êtres primitifs aisés à manipuler. En proies non seulement à la projection de leurs fantasmes sur les autres mais aussi, ce qui s’avère d’autant plus dangereux, à devenir receptacles des fantasmes des autres.
Verhoeven conçoit avec Basic Instinct un labyrinthe charnel dans lequel jouir signifie mourir. Il existe alors deux issues : tuer ou être tué. Si le choix final importe peu, c’est uniquement car l’enjeu réside dans un présupposé commun aux deux alternatives. Quoiqu’il advienne, l’arme du crime sera le sexe.
Basic Instinct / De Paul Verhoeven / Avec Michael Douglas, Sharon Stone / États-Unis / 2h08 / 1992.
Très bel article.
Verhoeven aura sa’s été celui qui a le mieux mis en valeur Sharon Stone. Elle est déjà formidable dans Total Recall.
Je n’ai pas revue le film depuis une éternité. Je le mets sur ma liste à revoir absolument, tout comme showgirl.
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