Gagarine

Au cinéma le 23 juin 2021

Gagarine: Alséni Bathily
Alséni Bathily incarne Youri, son premier rôle au cinéma. © Haut et court

La cité Gagarine à Ivry-sur-Seine, ainsi baptisée en hommage au célèbre cosmonaute présent lors de son inauguration en 1963, est sur le point d’être démolie. Vieille et vétuste, elle n’en est pas moins un foyer imprégné des souvenirs des nombreuses familles qui y ont passé leurs vies. Youri, un jeune homme de la cité passionné d’astronomie, décide de tout faire pour empêcher sa destruction.

Le film de banlieue a fini par constituer un genre en soi dans le cinéma français, au sein duquel les approches varient : Céline Sciamma (Bande de filles, 2014), Ladj Ly (Les Misérables, 2019), Maïmouna Doucouré (Mignonnes, 2020)… Chaque cinéaste y appose son style et son regard, et c’est (à notre connaissance) une première qu’une cité soit filmée comme une station spatiale. Fait d’autant plus intéressant que les auteurs, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, ont été formés comme documentaristes : or, si des images d’archive introduisent le film pour le situer historiquement, c’est ensuite la représentation fantasmée, quasi onirique, de l’espace urbain, qui distingue les réalisateurs de leurs prédécesseurs, à l’approche souvent plus naturaliste. Un choix qu’on peut expliquer par l’influence du « réalisme magique » qu’ils revendiquent, du nom du courant littéraire né en Amérique du Sud où tous deux ont vécu.

S’il s’agit de leur premier long-métrage, ce n’est pas la première fois que le duo met en scène un personnage remodelant son environnement, façonnant son propre écosystème, afin d’y recréer une harmonie dans laquelle se couler. Dans leur court-métrage Chien bleu (2018), un homme terré dans son appartement repeignait intégralement de bleu son foyer, ses objets… et son chien, attribuant à la couleur un pouvoir protecteur. C’est d’une façon semblable que, dans Gagarine, Youri recrée la station spatiale où il rêverait de vivre au cœur de sa cité.

Est alors savamment élaborée une atmosphère réinventant le lieu de l’action, où les bâtiments surgissent comme des astronefs et les portes d’ascenseur s’ouvrent comme des sas. En usant de ces procédés, Gagarine lorgne parfois plus vers le film de science-fiction américain que vers le drame social à la française. Les réalisateurs filment les immeubles comme Kubrick filme les vaisseaux dans 2001, l’Odyssée de l’espace (1968), et par instants, le thème musical évoque celui composé par Hans Zimmer pour Interstellar (Christopher Nolan, 2014).

C’est ainsi que malgré le drame qui s’y joue, celui d’un abandon, voire d’un second exil pour ses habitants, la cité Gagarine demeure le lieu d’une évasion paradoxale, presque d’un terrain de jeu pour tous ses interprètes (on saluera la très belle prestation de Finnegan Oldfield, parvenant à susciter tant d’émotion en si peu de scènes). Et d’un récit qui, malgré tout, parvient à toujours demeurer comme en apesanteur.

Gagarine / De Fanny Liatard et Jérémy Trouilh / Avec Alséni Bathily, Lyna Khoudri, Jamil McCraven, Finnegan Oldfield, Denis Lavant / France / 1h38 / Sortie le 23 juin 2021.

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