Promesse d’un sympathique road-movie périphérique entre deux banlieusards, Grand Paris abrite sous son apparente simplicité un brillant travail d’alchimiste.
S’essayant à un impressionnant jeu d’équilibriste, surtout pour une première réalisation, Martin Jauvat navigue entre son film de banlieue initial, la stoner comedy hilarante et tout un imaginaire fantastique, qui pioche tantôt dans l’aventure spielbergienne, tantôt dans les codes de la bande dessinée ou dans la pure science-fiction. Chez le jeune cinéaste comme chez Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (Gagarine) récemment, l’urbanisme des cités et de la couronne parisienne se connecte étrangement avec les étoiles, non pas pour motiver le spectateur à rêver d’un « ailleurs » mais pour qu’il reconsidère l’étrange beauté de tels espaces, sous-représentés par le cinéma. Les tours y deviennent alors des vaisseaux spatiaux, les pyramides enfouissent les complots et un simple bus nocturne peut se transformer en fenêtre sur cette petite galaxie.
Néanmoins, au sein d’un tel univers qui pourrait prêter à l’outrance, Martin Jauvat ne cache jamais la candeur ou les ficelles fragiles qui font tenir miraculeusement un tel édifice et parvient même à trouver sa force principale dans ce maigre étalage de moyens. Malgré ses envolées surréalistes, Grand Paris retombe constamment les deux pieds sur terre, sur son vrai cœur émotionnel : Leslie et Renard, deux branleurs magnifiques, perdus dans leurs vies et leurs problèmes de cœur. Ses banlieues célestes ont beau réveiller notre imaginaire, Grand Paris n’est jamais aussi merveilleux que lorsqu’il baisse les yeux sur Terre et filme un câlin entre deux amis.
Grand Paris / De Romain Jauvat / Avec Mahamadou Sangaré, Martin Jauvat, William Lebghil & Sébastien Chassagne / 1h12 / France / Sortie le 29 mars 2023.
CULTURE AUX TROUSSES 