Goldfinger

Rétrospective Sean Connery

Sean Connery et Shirley Eaton dans « Goldfinger » – © Metro-Goldwyn-Mayer Studios, inc.

Si James Bond 007 contre Dr. No a esquissé les bases de l’univers bondien et Bons Baisers de Russie confirmé le savoir-faire d’EON Productions, c’est bel et bien Goldfinger qui acheva le mythe de l’espion britannique et entérina pour de bon sa mythologie. Retour sur le meilleur opus de l’ère Sean Connery.

Adapté du septième livre de Ian Fleming, Goldfinger fait office d’exception au sein de la franchise. Après deux films centrés sur la Guerre Froide, ce troisième volet évacue pour un temps les intrigues géopolitiques globales et lance 007 sur la piste d’Auric Goldfinger (Gert Fröbe, mythique acteur allemand), un industriel richissime obsédé par l’or. Ce dernier a mis sur pieds une opération machiavélique : faire exploser une bombe nucléaire au cœur de Fort Knox, la réserve d’or des États-Unis, ce qui accroîtra comme jamais la valeur de son stock de lingots personnel.

Il convient donc d’envisager Goldfinger non pas comme un récit d’espionnage international mais comme un pur film de casse. Le long-métrage s’approprie complètement les mécaniques usuelles du genre (péripéties et retournements en cascade, faux-semblants qui s’accumulent, grand-spectacle, plan d’action particulièrement élaboré) et les incorpore avec brio dans l’identité préexistante de la saga. Centré autour d’un duel d’ego entre Goldfinger et 007, pour la première fois fragilisé (il passe le plus clair du film prisonnier de son ennemi), l’intrigue se resserre autour de l’action. Ainsi, la saga renoue avec ses influences premières, notamment La Mort aux Trousses d’Hitchcock, considéré par beaucoup comme le « proto-James Bond », lui-même pensé comme une perpétuelle fuite en avant.

Quand on le considère selon les standards de l’époque, le long-métrage impressionne par son découpage limpide et son montage très « cut », œuvre du génial Peter Hunt. Son intrigue racée enchaîne les scènes d’actions virtuoses et les pics de tension sans aucun temps mort. En témoigne cette longue course-poursuite nocturne dans les allées de l’usine de Goldfinger, dans les Alpes Suisses. Seul au volant de son Aston Martin, Bond se retrouve piégé, fonçant à pleine vitesse vers un autre véhicule. Par la pureté et la brutalité de son dispositif, la séquence se révèle saisissante. Le décor s’évanouit dans l’obscurité et par un simple champ-contrechamp opposant le visage tordu de Sean Connery et les phares de la voiture invisible, le suspense atteint des sommets. Tout ça pour finalement révéler que Bond fonçait contre un gigantesque miroir dans lequel se reflétait ses propres phares.

Par ailleurs, le réalisateur Guy Hamilton (qui réalisera plus tard le dernier Connery et les deux premiers Roger Moore) sait aussi calmer le jeu, respectant à la lettre l’imagerie feutrée, élégante et flegmatique de ses prédécesseurs. Mêlant séduction, provocation et facétie, les dialogues occupent une place primordiale et les caractères de chacun s’y dévoilent avec une profondeur inédite. Goldfinger n’est pas qu’un brillant film d’action, c’est aussi un bijou d’écriture, dont les dialogues acerbes et la tonalité presque tragi-comique n’ont pas pris une ride. Il faut toutefois relever la mise en place plutôt sordide de la relation entre Bond et son amour d’un film, Pussy Galore (la regrettée Honor Blackman), une séquence particulièrement malvenue qui mêle relation forcée et conversion hétérosexuelle suggérée. Même en gardant à l’esprit le contexte social et politique de l’époque, la pilule a du mal à passer.

Si l’on omet ces quelques écarts moraux, Goldfinger demeure un pur plaisir de cinéma qui renferme parmi les images les plus cultes de la franchise (le corps doré de Shirley Eaton, le générique clair-obscur sublimé par la voix de Shirley Bassey, la DB5 bourré de gadgets, le bras-droit au chapeau tranchant, etc…). Son esthétique distinguée, ses décors grandioses et son rythme endiablé ont considérablement influencé la suite de la saga, mais aussi la plupart des séries B grand luxe qui lui ont succédé.

Goldfinger / De Guy Hamilton / Avec Sean Connery, Honor Blackman, Gert Fröbe, Shirley Eaton / Angleterre / 1h52 / 1964.

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