Strange Way of Life

Au cinéma le 16 août 2023

© Iglesias Mas / Production El Deseo

Pedro Almodóvar a sa carte d’adhérent au très sélect club des réalisateurs du Festival de Cannes, celui qui octroie une place en Sélection Officielle, même si le film présenté est un court-métrage. Hors-Compétition, vous en conviendrez, mais à quoi bon les règles, certains peuvent bien y échapper. Il va de soi que la brièveté d’une œuvre audiovisuelle n’est pas cause de démérite – il serait d’ailleurs plus profitable de réfléchir à la raison pour laquelle le culte du cinéma n’accorde essentiellement de la valeur qu’à des films dépassant l’heure – mais le fait est que tout autre artiste d’une œuvre de la sorte n’aurait, à l’évidence, pas été remarqué pour la section réservée aux courts-métrage de la manifestation. 

La Voix Humaine, autre film au format court d’Almodóvar et réalisé en 2020 était pourtant une fabuleuse surprise. L’œuvre, librement inspirée de la pièce de Jean Cocteau – dans un tout autre style, entre théâtre et cinéma – et mettant en scène la fantastique Tilda Swinton, avait également été entièrement pensée en langue anglaise. Dès lors, la fausseté des dialogues et de la direction d’acteurs de Strange Way of Life ne peuvent plus uniquement reposer sur l’idiome choisi par le réalisateur espagnol, à qui nous accordions déjà le privilège de cet argument comme motif principal de son échec. Il s’agit donc de nous pencher sur cette intrigue et sur les raisons subsidiaires de ce fiasco.

Nous sommes en 1910 aux Etats-Unis, à la frontière du Mexique. Silva (Pedro Pascal) et Jake (Ethan Hawke), deux anciens tueurs à gage se retrouvent vingt-cinq ans plus tard. Silva rend visite à Jake, devenu shérif, alors que ce dernier est à la recherche d’un assassin, n’étant autre que le fils de son ami. Les deux cow-boys se retrouvent le temps d’une soirée, d’une nuit, et nous comprenons qu’ils ont un passé sentimental commun. Un western, le désert, deux cow-boys, une histoire d’amour homosexuelle : quelques éléments qui nous contraignent déjà à rapprocher Strange Way of Life du célèbre long-métrage Le Secret de Brokeback Mountain

Il est indéniable de le dire : l’idée d’Almodóvar avec ce mélodrame, celle de mettre en scène une histoire d’amour entre deux cow-boys est très aguicheuse et peu vue au cinéma, la preuve, Le Secret de Brokeback Mountain pour seule source de comparaison. Mais à l’origine de la déception que procure ce très attendu court-métrage, se trouve la grandiloquence de sa production – on note la présence de Saint-Laurent au générique. Plus d’importance semble avoir été portée à la promotion du film pour « l’actualité » de son sujet, pour la renommée de son réalisateur et pour son casting qu’à son scénario et à l’écriture de ses dialogues. L’intrigue de Strange Way of Life est sans cesse parasitée par ses transpirants décors et costumes ainsi que par la maladresse de leur mise en place, à la manière de mauvais placements de produits. La relation entre les deux hommes sonne terriblement fausse, quand leurs souvenirs communs sont orchestrés par les flashbacks d’un coup-de-foudre digne d’une série Netflix pour adolescents. Peut-être Almodóvar devrait-il songer à privilégier le fond à la forme, s’il ne veut pas que ses films se transforment en défilés de mode ?

Strange Way of Life / De Pedro Almodóvar / Avec Pedro Pascal, Ethan Hawke, Manu Ríos / Espagne, France / 31 min / Sortie le 16 août 2023.

Auteur : Lise Clavi

Lise. Fondamentalement indécise, mais de cinéma, définitivement éprise. Mon année à travailler pour des festivals cinématographiques, mon temps libre à cultiver mon intérêt pour l’actualité artistique. Décoller vers une nouvelle destination pour filmer de nouveaux horizons.

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