Yannick

Au cinéma le 2 août 2023

© Chi-fou-mi productions

Pas de tricycles avançant tout seuls, de mouches géantes qu’on apprivoise, de barracudas grillés parlants ou encore de trappes au sous-sol capables de remonter le temps, au cœur du dernier Dupieux. Bienvenue dans Yannick, où l’absurde se repaît du surréalisme de l’ordinaire. Et comme pour en attester, le réalisateur avait décidé d’offrir au cours de la première semaine d’exploitation du film, une entrée gratuite à tous les détenteurs de ce prénom.

Lors de la représentation d’une pièce de boulevard sur une scène parisienne, en plein spectacle, un spectateur se lève et exprime son mécontentement. Yannick (sensationnel Raphaël Quenard), un jeune gardien de nuit venu du 77, ayant pris une journée de congé, comme il l’explique, effectué 45 minutes de transports en commun suivi de 15 minutes de marche à pied avec pour seul but d’assister à la représentation n’est pas satisfait du spectacle qu’il a sous les yeux. « Je me sens moins bien qu’avant d’entrer ici » exprime le jeune homme à la salle dans un discours répétitif et confus. Incapable de se contenter de ce temps précieux qu’il est en train de perdre, il exige à présent une pièce plus divertissante et devient le chef d’orchestre d’une prise d’otage.

La prolixité de Yannick et l’étirement de ses actions renforce l’authenticité de son personnage, mais ancrent également l’œuvre dans le réel, notre expérience du temps dans ce huis-clos se rapprochant de celle vécue par les personnages du récit. Alors que tous les éléments diégétiques comme extra-diégétiques entourant le protagoniste lui sont étrangers (le monde du théâtre et ses codes, les statues classiques en bronze, le décor de velours rouge, la musique classique au piano,  les nouvelles technologies et même le mouvement de main raffiné de l’un des acteurs interprété par Pio Marmaï), il veut pouvoir greffer ses propres points de repères à cette expérience, telle qu’il l’avait imaginé. Art et divertissement s’opposent ainsi et par là-même, deux langages, deux manières de vivre, deux classes sociales. 

Pas de tricycles avançant tout seuls, de mouches géantes qu’on apprivoise, de barracuda grillés parlants ou encore de trappes au sous-sol capables de remonter le temps, au cœur du dernier Dupieux. Bienvenue dans Yannick, où la terreur et la cruauté humaine au nom de l’art côtoient la moquerie et la violence. Peut-être s’agit-il du film le plus tristement absurde de l’auteur. Il démontre, dans un esprit Rousseauiste, que la vie sociale creuse les inégalités au point qu’il faille un flingue pour pouvoir se faire respecter.

Yannick / De Quentin Dupieux / Avec Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin / France / 1h07 / Sortie le 2 août 2023.

Auteur : Lise Clavi

Lise. Fondamentalement indécise, mais de cinéma, définitivement éprise. Mon année à travailler pour des festivals cinématographiques, mon temps libre à cultiver mon intérêt pour l’actualité artistique. Décoller vers une nouvelle destination pour filmer de nouveaux horizons.

Une réflexion sur « Yannick »

  1. Très chouette chronique Lise. Il y a de l’absurde, c’est vrai, chez « Yannick », mais c’est aussi un hymne à la spontanéité, à l’impulsivité aussi, si chère à Dupieux (il faut voir comment s’est monté ce film). J’y ai vu la manifestation d’une fracture, une plaie béante qui donne de la voix, qui déchire le rideau des convenances et des codes du vivre-ensemble. Il y a dans ce coup de gueule naïf un terrible pied de nez adressé à ces statues d’auteurs classiques, à ces muses mythologiques, à ces ambiances feutrées et polies des théâtres parisiens et à cet édifice social qui dégringole comme les notes du piano d’une religieuse orthodoxe éthiopienne :

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