La Vénus d’Argent

Actuellement au cinéma

© Pyramide Films

Électrique. C’est du moins le début de La Vénus d’argent. Une moto file sur des autoroutes désertes, dans des tunnels qui tournent à l’infini, et une silhouette, ni homme ni femme, casque de motard sur la tête, se regarde dans une vitrine. Devant elle, un costume trois pièces, dans lequel son reflet ne s’imbrique pas exactement. Dans le calme du petit matin, une barrière fragile vole en éclats et ce sont toutes les frontières sociales qui se retrouvent menacées.

Le deuxième long-métrage d’Héléna Klotz raconte l’histoire d’un personnage qui cherche à s’échapper de tous les cadres dans lequel il est enfermé : sa classe, sa famille, son genre. Jeanne Francoeur, jouée par la chanteuse Pomme dans son premier rôle de cinéma, vit dans une caserne, avec son père flic et ses jeunes frères et sœurs. C’est elle qui s’occupe des enfants, assumant le rôle d’une mère absente qui n’est presque jamais évoquée. La nuit, elle révise sans relâche afin d’arriver, le jour, au plus haut des tours vitrées de la Défense. Remarquée par Farès (Sofiane Zermani), un trader au torse musclé et aux écouteurs perpétuellement enfoncés dans les oreilles, elle le suit dans les plus hauts lieux de la richesse parisienne, déterminée à conquérir sa liberté par l’argent.

La Vénus d’argent offre une atmosphère à l’image de son titre : une sensualité métallique, froide, aseptisée, qui se joue dans des open space, dans un lit baigné de bleu, dans une chambre d’hôtel où les vêtements sont davantage chargés d’érotisme que les corps. Le personnage de Jeanne se construit sur ce modèle ; l’argent est son seul but, revendiqué, et comme lui Jeanne est froide, impassible, logique, suivant les ordres et se battant contre ses émotions. C’est un personnage d’autant plus intéressant qu’on le voit trop rarement dans le cinéma français : dommage qu’il ne réussisse pas à remplir toutes ses promesses.

Pourtant, il y en a beaucoup. Place de la femme dans un milieu d’homme, de la pauvreté dans la finance, de relations marquées par la violence et l’abandon. Le mélange aurait pu être comme cette première scène, explosif, brisant les codes pour réinventer un nouveau type de corps et d’histoire. Ce n’est pas le cas. Le traitement est maladroit, esquissé sans être approfondi. Si Jeanne se dit  »neutre comme les chiffres » et affiche une silhouette androgyne, elle est constamment genrée aussi bien par les autres que par elle-même au féminin. Pas la moindre revendication, pas la moindre révolte : la non-binarité de ce personnage disparaît, engloutie par les multiples mégenrages et le silence de Jeanne. Son histoire avec le personnage de Niels Schneider, un jeune militaire qui revient de quatre ans en Afrique, est tout aussi faible : on l’apprend marquée par une agression sexuelle, aussi vite révélée qu’oubliée.

L’ambition du film est minée par la lourdeur de ses dialogues, clichés et déclamatoires, et un évitement étonnant des sujets qui pourtant devraient en constituer le cœur. L’une des dernières scènes, un entretien d’embauche filmé en un plan unique et quasiment fixe, souligne par son intensité la faiblesse du reste du film. Encombrée par tout cet argent, la Vénus n’aura pas su cette fois déployer ses ailes.

De Héléna Klotz / Avec Claire Pommet, Niels Schneider, Sofiane Zermani / 1h35 / France / Sortie le 22 novembre 2023.

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