L’Œuf de l’Ange

Ressortie / Actuellement au cinéma

© Mamoru Oshii/Yoshitaka Amano/Tokuma Shoten, Tokuma Japan Communications All Rights Reserved

Qui a dit que d’une petite forme ne pouvait pas naître un très grand film ? En une heure et onze minutes, pas plus, L’Œuf de l’Ange de Mamoru Oshii délivre un concentré de cinéma plus dense et vertigineux que n’importe quelle fresque épique boursoufflée aux affiches bardées de superlatifs. Méconnu du grand public parce qu’éclipsé par son successeur Ghost in the Shell, longtemps invisible dans de bonnes conditions, l’autre grande œuvre du cinéaste japonais atterrit enfin sur nos écrans et rappelle cette vérité élémentaire : les films les plus beaux sont souvent les plus simples.

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Bugonia

Actuellement au cinéma

© Focus Features

On avait un peu perdu Yórgos Lánthimos depuis quelques temps, assommé par sa débauche de tics formels (Pauvres créatures) et ses mesquineries de vilain marionnettiste (Kinds of Kindness). Bonne nouvelle : s’il n’efface pas complètement les réserves que l’on a vis-à-vis de ses productions récentes, Bugonia est l’occasion pour le cinéaste grec d’une salutaire remise à plat des qualités réelles de son cinéma.

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Running Man

Actuellement au cinéma

© Paramount Pictures

Comment fabriquer un héros d’action en 2025 ? C’est la question que pose ce Running Man revisité par Edgar Wright, trente-huit ans après une première adaptation kitsch et musclée par Paul Michael Glaser, quarante-trois ans après l’œuvre originale de Stephen King. Signé Richard Bachman, alias généralement réservé à ses fictions ancrées dans le réel les plus désespérées, le roman paraissait dans un contexte bien particulier : après une décennie 1970 marquée par la désillusion, le peuple américain retrouvait la foi en ses institutions en catapultant une star de cinéma à la Maison Blanche. L’accession à la présidence de Ronald Reagan en 1981 faisait entrer de plein pied les États-Unis dans le règne de l’image : qu’importe le fond, pourvu que la forme soit suffisamment séduisante pour nous rallier à sa cause. Dans cette nouvelle ère, le cinéma se faisait le vecteur de récits triomphalistes fallacieux, menés par des corps masculins sculptés par le bodybuilding et les stéroïdes, eux-mêmes devenus pures surfaces.

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L’Étranger

Actuellement au cinéma

© Gaumont Distribution

Tout travail d’adaptation suppose la question de la fidélité à l’œuvre d’origine. En portant à l’écran L’Étranger d’Albert Camus, livre de poche le plus vendu au monde, François Ozon ne s’est pas rendu la tâche facile et fait face à un double défi. D’un côté, le roman est essentiellement un écho de l’intériorité de Meursault, son personnage principal – une matière peu cinématographique de prime abord. De l’autre, l’absence de prise en compte par son auteur du contexte historique – la colonisation de l’Algérie – semble peu compatible avec une vision contemporaine de cette période noire de l’Histoire française. Sublimation, incarnation et révision : tels étaient les outils qui s’offraient au cinéaste pour mener à bien ce passage d’un medium à un autre.

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The Neon People

Actuellement au cinéma

© Kidam

The Neon People s’ouvre par une longue séquence muette de déambulation dans la pénombre du réseau souterrain de Las Vegas. À la suite de figures anonymes, on arpente ces tunnels exigus éclaboussés d’une puissante lumière rouge profond – Dario Argento n’est pas loin –, au son de violons discrets mais inquiétants, avant d’en ressortir éblouis par le soleil blafard du Nevada. Cette entrée en matière convoque également le souvenir de l’arrivée à Los Angeles de John Nada dans They Live de John Carpenter, vagabond sans le sou qui élisait domicile dans un campement de sans-abris, caverne de Platon des laissés-pour-compte du rêve américain. Passage d’un monde à l’autre, plongée dans le terrier d’Alice : par ce petit précis de narration atmosphérique, Jean-Baptiste Thoret inscrit son long-métrage à la lisière entre le documentaire et la fiction.

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Left-Handed Girl

Actuellement au cinéma

© Le Pacte

« Cet endroit est magique. » Ce sont les premiers mots prononcés par I-Jing, cinq ans, qui contemple le paysage au travers de son kaléidoscope, assise à l’avant de la voiture qui les conduit elle, sa grande sœur, I-Ann, et leur mère, Shu-Fen, à Taipei après des années d’absence. Dans cette affirmation résonnent également les intentions de Shih-Ching Tsou, la réalisatrice de Left-Handed Girl : faire droit à l’émerveillement propre au regard de l’enfant qu’elle fut autrefois à Taïwan, avant son exil aux États-Unis. En un sens, ce premier long-métrage signé de son seul nom constitue l’envers de Take Out (2004), co-réalisé avec Sean Baker, qui dépeignait la lutte d’immigrants chinois piégés dans l’enfer du rêve américain, que venait redoubler une image brute et délavée. Ici, la cinéaste filme le retour à domicile d’une famille d’expatriées s’apprêtant à redémarrer en bas de l’échelle, en la scrutant par la lorgnette enchanteresse du souvenir.

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Entre le ciel et l’enfer

Actuellement au cinéma / Ressortie

© 1963, Toho Co., Ltd All rights reserved

De 1963 à 2025, quelque chose de comique s’est glissé dans la scène qui ouvre Entre le ciel et l’enfer. Dans le vaste salon d’une luxueuse villa qui surplombe la ville, un groupe d’hommes en costumes, cigarettes et mines graves, devisent ensemble du goût des femmes en matière de chaussures à talon. Rassemblés autour de nouveaux modèles d’escarpins bon marché, calqués sur les tendances du moment, l’enjeu pour ces industriels du soulier est de maximiser les profits de leur entreprise. Le sérieux papal avec lequel ils présument des besoins de leurs clientes apparaît délicieusement désuet aux spectateur·ices d’aujourd’hui, qui regardent la séquence un sourire en coin. L’attitude d’un des individus tranche néanmoins avec le reste de cette bande de rigolos complaisants. Mutique, il ne semble pas goûter les jugements à l’emporte-pièce de ses camarades et finit tout bonnement par exploser : pour lui, hors de question de se vautrer dans l’air du temps afin d’appâter les consommatrices, si cela signifie sacrifier la qualité du produit.

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Évanouis

Actuellement au cinéma

© Warner bros pictures

En regardant Évanouis, difficile de ne pas penser à Twin Peaks, série qui scotcha l’Amérique à son poste de télévision dans les années 1990 en racontant comment la disparition de Laura Palmer, une jeune lycéenne populaire, provoquait l’émoi d’une communauté que David Lynch et Mark Frost allaient ausculter pendant trois saisons. On y retrouve un postulat similaire, soit la volatilisation soudaine des enfants d’une même classe, à l’exception d’un, à la même heure et au beau milieu de la nuit.

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F1

Actuellement au cinéma

© Warner Bros

Qui aurait pu prédire qu’en 2025, nous attendrions avec une excitation non feinte la sortie d’un film produit par celui que l’on surnommait autrefois « Mr. Blockbuster », Jerry Bruckheimer ? Artisan discret à l’origine des succès les plus tonitruants de la fin du XXe siècle, le producteur affiche un impressionnant tableau de chasse : American Gigolo (Paul Schrader, 1980), Top Gun (Tony Scott, 1986), Bad Boys (Michael Bay, 2000) ou encore Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl (Gore Verbinski, 2003). Durant deux décennies, l’homme régna en maître sur le box-office mondial avant d’essuyer une série de revers au tournant du siècle avec, notamment, L’Apprenti sorcier (Jon Turtletaub, 2010) et Lone Ranger : Naissance d’un héros (Gore Verbinski, 2013), qui mirent fin à son contrat historique avec les studios Disney. Le maestro du divertissement grand public semblait arriver en bout de course quand, soudain, alors que personne ne le demandait, il ressuscitait les années 1980 avec Top Gun : Maverick (Joseph Kosinski, 2022), suite tardive du classique de Tony Scott et véritable raz-de-marée planétaire.

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Mission : Impossible – The Final Reckoning

Actuellement au cinéma

© Paramount pictures

Dans les galeries souterraines de Londres, Ethan Hunt est pris à partie par l’Entité. Elle se présente à lui sous la forme d’un gigantesque caisson high-tech qu’il ouvre d’un simple effleurement de la main. L’équipe de l’IMF regarde interdite leur leader s’installer dans ce sarcophage d’acier et recouvrir son visage de l’étrange masque qu’il contient. À cet instant, le piège se referme et l’agent se retrouve pieds et poings liés, à la merci de cette intelligence artificielle omnisciente, qui déverse dans son subconscient un flux électrique d’images représentant l’apocalypse qu’elle prépare. Soumis à ces terribles visions, pareil au traitement Ludovico enduré par le héros d’Orange mécanique, Hunt perd progressivement pied avec le réel avant d’être libéré et de s’écrier : « est-ce que c’est la réalité ? »

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