L’Agent secret

Actuellement au cinéma

© CinemaScópio – MK Production – One Two Films – Lemming

Mais que diable Les Dents de la mer (Steven Spielberg, 1975) allait-il faire dans cette galère ? Alors qu’on a tout juste croisé la route de Marcelo (Wagner Moura) au détour d’une station essence pour le moins sinistre, nous voilà jetés dans l’institut océanographique de Recife aux côtés d’un trio de flics mené par le docteur Euclides (Robério Diógenes), tiré de la débauche carnavalesque que signale la persistance de fard et de quelques confettis sur son visage. Sur une table chirurgicale, un requin attend aussi impatiemment que les trois policiers inquiets qu’on lui ouvre les entrailles pour en extraire une jambe bien embarrassante, puisque nullement là où elle devrait être. Une jambe qui aurait tout de celle de ce pauvre quidam dans sa barque, troisième casse-croûte du squale enragé de Spielberg, figurant synecdochiquement son état de chair à poissons. Plusieurs minutes plus tard, on verra le jeune fils du mystérieux Marcelo dessiner l’affiche du film, confirmant son statut d’hypotexte crucial de L’Agent secret.

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The Brutalist

Actuellement au cinéma

© Universal Pictures

Une Statue de la Liberté renversée. La tête en bas. C’est ainsi que nous accueille la terre promise d’Amérique dans The Brutalist, à l’issue d’un plan séquence turbulent et fuligineux qui suit le rescapé hongrois László Toth s’extirpant tant bien que mal des tréfonds d’un navire peuplé d’ombres : celles d’une Europe en ruines qui restera dans l’obscurité – jusqu’à une échappée transalpine dans la seconde partie. Si l’on exulte arrivés à destination, le paysage visuel et sonore détonne. Les percussions dissonantes du compositeur Daniel Blumberg, débouchant sur des cuivres tonitruants, annoncent une promesse vaine. L’horizon, qu’on attendrait de voir s’ouvrir, de voir enfin respirer, étouffe, bouché par un ciel embrumé dont ressort seule la statue flottante, comme abstraite, augurant après la nuit une condition fantomatique.

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Le Jeu de la reine

Actuellement au cinéma

© ARP Sélection

Le Jeu de la reine se livre d’abord comme un conte. Dans un royaume – notez le choix non fortuit de l’indéfini – empesté, en proie aux conflits religieux alors que la réforme luthérienne se propage dans le peuple, un roi ogre, colérique et gangrené, perpétue un climat de terreur, relate Elizabeth, future souveraine au règne glorieux. Avant elle, il y eut Catherine Parr, que le film considère en inspiratrice d’un tournant politique. En portant son regard sur l’épouse ultime d’Henri VIII, Karim Aïnouz suit le même horizon que Priscilla (Sofia Coppola, 2023) qui révisait le mythe d’un autre roi, Elvis, à travers le parcours de son épouse jeune fille. Il édifie à son tour un contre-récit, où les femmes se révèlent actrices du mouvement historique.

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Un corps sous la lave

Actuellement au cinéma

©Ed Distribution

C’est un objet rare, d’une inquiétante étrangeté saisissante que nous proposent Helena Giron et Samuel M. Delgado. Une sorte de conte, qui s’attèle au genre du film historique sans en embrasser pour autant ses attendus. Le film fait un pas de côté, prenant pour appui le regard, non pas d’hommes illustres, mais des petites gens, d’hommes et de femmes ordinaires, au quotidien empreint de poésie, voire de fantastique.

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Jeanne du Barry

Au cinéma le 16 mai 2023

© Stéphanie Branchu / Why Not Productions

Il n’y avait que la provocante Maïwenn, qui aime tant susciter l’ire d’un certain féminisme, pour se pencher sur la destinée de Jeanne du Barry, la plus sulfureuse et dernière favorite du souverain Louis XV. Il fallait aussi Johnny Depp sous la perruque poudrée du « Bien aimé », une plainte pour agression à l’encontre de la cinéaste et une sélection à l’ouverture du festival de Cannes pour achever le tableau par-delà la fiction, l’autoportrait criant d’une artiste ambitieuse et libre qui érige le scandale en principe.

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Les Harkis

Au cinéma le 12 octobre 2022

© Pyramide Distribution

En mars 1962, les accords d’Evian signent la fin des évènements d’Algérie, une guerre sans nom dont la douleur muette accable encore ses survivants. À peine murmurée dans le cinéma français, il faut attendre plusieurs décennies pour que la parole se libère, dans les maisons comme sur les écrans. Soixante ans plus tard, Les Harkis s’attèle à rendre compte d’une détresse encore taboue, celle des hommes algériens qui ont combattu pour la France.

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La Vie privée d’Elisabeth d’Angleterre

Rétrospective Michael Curtiz

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Bette Davis et Errol Flynn ©Warner Bros

La Vie privée d’Elisabeth d’Angleterre est l’un des très grands succès de la Warner des années 1930. Drame historique à gros budget et en Technicolor, il met en scène deux des plus grands comédiens de l’époque : Bette Davis et Errol Flynn. Pourtant, derrière le faste des costumes et l’attraction de sa distribution, cette tragédie d’époque cache un film austère et très verbal.

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Mission

Rétrospective Jeremy Irons / Palme d’or

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Jeremy Irons dans Mission de Roland Joffé, Palme d’or en 1986 © D.R.

Seul dans la forêt, le père Gabriel (Jeremy Irons) regarde aux alentours, inquiet. Il marche à tâtons dans cet univers impénétrable. Pour contrer les éventuels dangers, là où certains empoigneraient leur arme, il se saisit de son hautbois. Il entonne alors un air envoûtant, potentiellement conciliateur. À son écoute, les Indiens Guaranis, arcs à la main, le guettent et s’avancent, méfiants mais curieux. Ils encerclent bientôt le prêtre qui continue à jouer. On dit que la musique adoucit les mœurs…

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Cœurs ennemis

Au cinéma le 1er mai 2019

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Keira Knightley dans Cœurs ennemis ©Twentieth Century Fox

En 1946, à Hambourg, un officier anglais (Jason Clarke) chargé de la reconstruction de la ville dévastée par les bombardements est rejoint par sa femme (Keira Knightley). Arrivée dans la grande demeure que son mari a réquisitionné, celle-ci constate que la maison est encore habitée par le propriétaire des lieux, un architecte allemand (Alexander Skarsgård), qui y vit avec sa fille. Cette cohabitation forcée, qui instaure une réticence initiale, laisse bientôt place à des sentiments plus troubles…

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