Il est des cinéastes dont on peut dire sans trop de risques qu’ils sont des maîtres en un domaine. Qu’ils soient maîtres d’un genre (John Ford pour le western, Kurosawa pour le film de sabre), d’un procédé technique (les travellings avant de Resnais, ceux latéraux pour Jarmusch, reconnaissables entre mille) ou d’un effet esthétique et narratif (Hitchcock, maître du suspense). Darren Aronofsky, lui, a prouvé brillamment en huit films qu’il était le maître incontesté du mauvais goût.
« J’aimerais que mon corps prenne toute la place, qu’il soit léger comme une plume ». Ce désir kunderien formulé par Lucas dans Le Lycéen est commun à tous les personnages de Christophe Honoré, chez qui légèreté et gravité, élans du corps et poids des sentiments, soubresauts des sens et tracas de l’esprit, s’entrechoquent.
Trop longtemps boudée aux palmarès, voire même aux sélections, des plus grands festivals internationaux, Claire Denis jouit enfin d’une reconnaissance que ses pairs auront bien rechigné à lui accorder. Si, en mai dernier, la plus originale et imprévisible des réalisatrices françaises a pu présenter en compétition à Cannes son dernier film Des étoiles à midi, nul ne saurait oublier qu’elle n’avait pas eu cet honneur depuis 35 ans (Chocolat,1987). Il aura hélas fallu attendre jusqu’aux retombées salutaires de MeToo pour intégrer Denis et d’autres – Kelly Reichardt en tête, à laquelle on dédie depuis peu nombre de rétrospectives – dans le club des cinéastes qui comptent. On nous permettra cependant d’émettre quelques regrets quant à ce calcul malhabile voire, malgré de nobles intentions, un tantinet injuste. Car autant que Des étoilesà midi, Grand prix ex-aequo sur la croisette, Avec amour et acharnement (Ours d’argent à Berlin) se place décidément loin, très loin des meilleurs films de l’auteure.
En 1946, à Hambourg, un officier anglais (Jason Clarke) chargé de la reconstruction de la ville dévastée par les bombardements est rejoint par sa femme (Keira Knightley). Arrivée dans la grande demeure que son mari a réquisitionné, celle-ci constate que la maison est encore habitée par le propriétaire des lieux, un architecte allemand (Alexander Skarsgård), qui y vit avec sa fille. Cette cohabitation forcée, qui instaure une réticence initiale, laisse bientôt place à des sentiments plus troubles…