Cœurs ennemis

En 1946, à Hambourg, un officier anglais (Jason Clarke) chargé de la reconstruction de la ville dévastée par les bombardements est rejoint par sa femme (Keira Knightley). Arrivée dans la grande demeure que son mari a réquisitionné, celle-ci constate que la maison est encore habitée par le propriétaire des lieux, un architecte allemand (Alexander Skarsgård), qui y vit avec sa fille. Cette cohabitation forcée, qui instaure une réticence initiale, laisse bientôt place à des sentiments plus troubles…

Le potentiel romanesque de la situation de Cœurs ennemis (préférons le titre original The Aftermath, littéralement « les conséquences ») est tangible, traitant d’une romance au cœur d’un moment assez inédit au cinéma, lorsque l’Allemagne en ruine était occupée par les Alliés après la Seconde Guerre mondiale. Le film ne brille pas par sa forme tant la reconstitution est nimbée d’une photographie vernissée, mais il noue avec délicatesse la question du deuil dans son récit. La perte d’une femme dans un cas et d’un enfant dans l’autre entraîne à la fois la distanciation des époux et le rapprochement des « cœurs ennemis ». En présentant deux amants brisés par un conflit qui les dépasse, l’histoire d’amour s’affranchit de l’alchimie caricaturale entre virilité masculine et fragilité féminine dont elle aurait pu courir le risque. Si le film assume de bout en bout son ton mélodramatique très classique, parfois trop souligné, on regrette toutefois que le cinéaste James Kent n’ait pas l’ambition de creuser certaines pistes ouvertes par la première demi-heure, comme le motif de l’architecture et le lieu même de la maison, propice à rendre compte, en terme d’espace, des conflits d’identités nationales susceptibles de survivre après la guerre.

Cœurs ennemis / De James Kent / Avec Keira Knightley, Alexander Skarsgård, Jason Clarke / Angleterre / 1h48 / Sortie le 1er mai 2019.