
Ted Bundy a commis plus de trente crimes à travers les Etats-Unis entre 1974 et 1978. Son procès en 1979 est le premier à être couvert par la presse à une échelle aussi importante et à être retransmis à la télévision aux Etats-Unis : Déjà les médias se fascinent pour ce joli garçon, bien éduqué et beau parleur, accusé de crimes horrifiques. Des années plus tard, le tueur intrigue toujours autant, preuve en est sa popularité dans le monde cinématographique et télévisé. Alors que son apparition dans la deuxième saison de Mindhunter de David Fincher est très attendue, le réalisateur Joe Berlinger s’est déjà emparé du sujet pour son documentaire Conversation with a killer : the Ted Bundy tapes, composé de quatre épisodes pour Netflix. Alors que cette série mettait en scène de réels enregistrements audios, interviews et images d’archives du meurtrier et de son parcours, le nouveau film du même réalisateur choisit une approche plus romanesque du sujet.
« Extremely wicked, shockingly evil and vile. The product of design to inflict a high degree of pain », le film prend pour titre les termes employés par le juge pour décrire les actes de Bundy – actes sur lesquels l’oeuvre ne s’attarde finalement pas. C’est, en effet, la relation du jeune avocat en devenir avec Elizabeth Kloepfer qui est mise à l’honneur ici. L’histoire du criminel a déjà tout de la fiction (il s’échappe notamment de prison trois fois et se marie lors de son procès…), or ce film hybride mi-mélodrame romantique, mi-fiction historique ne possède donc pas grand intérêt. Si le point de vue de la compagne du meurtrier est certes intéressant il ne peut constituer l’unique trame narrative du film et donne en réalité l’impression que Berlinger veut passer outre tous les éléments violents ou choquants, idée quelque peu paradoxale pour un film sur un tueur en série. Il jouit pourtant d’interpretations louables de la part de Lilly Collins et Zac Efron qui parvient à rendre l’apparence angélique du tueur crédible sans pour autant vraiment laisser transparaitre son magnétisme glaçant et son attitude prédatrice. À cette version aseptisée de la vie de Bundy, mettant en avant un pathos lourd et parfois inapproprié, le spectateur cherche une raison d’être. Mis à part le fait d’être certainement plus attrayant pour le grand public de la plateforme, Extremely wicked, shockingly evil and vile est une réelle déception après le très bon documentaire sorti précédemment et constitue même une regression regrettable dans l’oeuvre du réalisateur.
Extremely wicked, shockingly evil and vile / De Joe Berlinger / Avec Lilly Collins, Zac Effron, Jim Parsons, Kaya Scodelario / Etats-Unis / 1h50 / Sortie le 3 mai 2019 sur Netflix.