Uncut Gems

Sur Netflix le 31 janvier 2020

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Adam Sandler dans Uncut Gems des frères Safdie ©Netflix

Howard Ratner (Adam Sandler), bijoutier à Manhattan, détient une pierre précieuse très rare provenant d’une mine éthiopienne, qu’il souhaite vendre aux enchères pour un million de dollars. Cette somme lui permettrait de rembourser ses dettes et de mener une vie plus paisible, mettant fin aux embrouilles de son quotidien chaotique… Trois ans après nous avoir plongé dans les bas-fonds de New York au cours d’une inoubliable course sous adrénaline avec Good Time (2017), les frères Safdie signent un nouveau grand thriller malade, collant au plus près de leur héros pour questionner le culte de l’apparence.

Lorsqu’on lit le générique de fin (n’en déplaise à Netflix, producteur-diffuseur du film qui ne juge pas important de s’attarder sur les listes techniques), on remarque que Martin Scorsese est co-producteur exécutif : un signe qui ne trompe pas tant le film des frères Safdie se révèle porteur d’une énergie proche de certains films du maître. Cette énergie, le film la canalise dans le personnage d’Howard Ratner, incarné par un Adam Sandler en grande forme. Toujours en mouvement, il rappelle ces héros perdus du cinéma américain embarqués dans une spirale infernale d’excès. En le regardant se débattre contre les situations qu’il a lui-même provoqué, on pense à The Gambler de Karel Reisz (1974) ou à Bad Lieutenant d’Abel Ferrara (1992), pour leurs personnages poussés dans leurs retranchements, confrontés aux conséquences de leurs vices, obnubilés par des désirs dangereux. Il faut voir la part d’irrationnel sur laquelle repose l’un des enjeux du film : un pari sur des matchs de basket. L’un des joueurs d’une célèbre équipe, fidèle client d’Howard, se montre superstitieux depuis sa rencontre avec la pierre, censée lui garantir une réussite aux matchs. Une dualité entre la fragilité mentale et la force physique avec laquelle le film compose brillamment.

Outre les grandes références que le film charrie et digère grâce à son formidable interprète, la réussite d’Uncut Gems tient principalement à la prouesse d’être un film organique alors qu’il ne semble exister qu’en dévoilant des signes extérieurs de richesse. Avec le rôle que joue le diamant, objet des convoitises, et celui de l’argent, moteur des relations, tout concorderait à fabriquer un film en toc, au risque de la complaisance. Or, le film déborde d’une immense énergie, et la mise en scène s’approche au plus près de son héros – au sens propre, puisque l’introduction nous fait même entrer dans son colon – avec la distance nécessaire pour procurer un recul critique vis-à-vis de l’univers dans lequel il évolue.

La photographie de Darius Khondji joue d’une esthétique double, avec les néons de la boutique d’un côté, et la place laissée à l’impression des matières sur l’écran. On croirait même que ce sont pour les couleurs en soi que les frères Safdie ont choisi pour sujet la vente d’une pierre précieuse. Lorsque l’opaline vire à l’abstraction, c’est une incursion de l’image dans le monde microscopique de la matière, de la même façon que la mise en scène virtuose du duo new-yorkais parvient à rendre compte en profondeur de la psyché de son personnage. Le titre du film est en fait programmatique : « Uncut gems », pierre brute, décrit bien le joyau que renferme le film, tout en maîtrise et cabossé.

Uncut Gems / De Joshua et Ben Safdie / Avec Adam Sandler, Julia Fox, The Weeknd / Etats-Unis / 2h15 / Sortie le 31 janvier 2020 sur Netflix.

2 réflexions sur « Uncut Gems »

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