La Tour de Nesle

Au cinéma le 21 juillet 2021

Des révélations et des masques dans la Tour de Nesle. ©L’Atelier de la tour de Nesle

Écrite par Alexandre Dumas d’après Frédéric Gaillardet en 1832, La Tour de Nesle a été jouée des centaines de fois au théâtre. Il faut dire que son intrigue politique et œdipienne située sous le règne de Louis X offre un argument formidable à la fiction : Marguerite de Bourgogne, femme du roi, fait assassiner ses amants pour éviter que sa débauche ne s’ébruite ; les masques ne vont cependant pas tarder à tomber, d’autant plus que l’intrépide et intéressé Buridan ne laissera pas ce manège continuer encore…

Le cinéaste Noël Herpe, par ailleurs critique et historien du cinéma, est bien conscient de toutes les adaptations qui précèdent son film, notamment celle d’Abel Gance avec Pierre Brasseur en 1955. En choisissant la fidélité et la primauté du texte, sa Tour de Nesle réalisée avec une grande économie de moyens n’est pourtant pas un objet théorique. Aidée par des incessants rebondissements, chausse-trappes et jeux d’influences, la naïveté apparente de la reconstitution renvoie tout autant à une tradition de films imprégnés de théâtre qu’à des jeux de l’enfance – certains acteurs interprètent plusieurs rôles, avec un plaisir évident du travestissement. Rien de fragile non plus dans le jeu convaincu et convaincant des comédiens, que ce soit chez Jezabel Carpi avec ses faux airs d’Alice Sapritch ou le réalisateur lui-même, sans oublier l’apparition drôlissime de Michka Assayas en Louis X.

L’ensemble du film a beau être tourné dans une seule pièce, on l’oublie très vite tant chaque recoin nous est dévoilé sous un jour nouveau. Les axes de caméra optimisent astucieusement les perspectives du décor : une trappe dans le sol, les portes d’un placard, des dessins dans l’encadrement d’une fenêtre. La mise en scène sait user de la théâtralité (repenser par le cinéma les paramètres qui font le théâtre) au lieu de tomber dans les écueils du genre (le théâtre filmé, ou au contraire la volonté de faire cinéma à tout prix sans assumer ce qui est dû à la scène). Tous ces choix nés de la contrainte mettent en valeur des détails jamais anodins et des voix, surtout, grâce à ce texte tantôt féroce, tantôt tragique – notre imagination et le hors-champ organisent le reste. À l’arrivée, le film est aussi enthousiasmant pour ceux qui le voient qu’il l’a été pour ceux qui l’ont fait.

La Tour de Nesle / De Noël Herpe / Avec Jezabel Carpi, Noël Herpe, Baudouin d’Huart, Arthur Dreyfus / France / 1h51 / Sortie le 21 juillet 2021.

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