Rencontre avec : Brigitte Fossey

Brigitte Fossey. ©Panoramic

Il est parfois bon de faire un pas de côté vis-à-vis de l’actualité pour partir à la rencontre des artistes que nous aimons, au-delà de l’opportunité d’une sortie de film, représentation théâtrale ou publication récentes. Un écart pour parler d’une filmographie, prendre un moment pour se souvenir des rôles connus et un peu moins, revenir sur un parcours tout entier. Brigitte Fossey fait partie de ces acteurs familiers avec lesquels on aimerait discuter de leur carrière foisonnante, converser sans être pressé par le temps. C’est désormais chose faite.

Parler d’un écart vis-à-vis de l’actualité pour une rencontre avec Brigitte Fossey est inexact. Lorsqu’on lui demande, en question préliminaire à l’entretien, si elle va bien, elle répond dans l’immédiat à l’affirmative et le dialogue commence. « J’ai beaucoup travaillé cet été. Du tourisme et du travail : je suis allée en Avignon pour voir des pièces et je me suis rendue au festival de poésie international de Sète pour un hommage à Paul Valéry. J’ai lu des textes issus de ses cahiers, et des poèmes qu’il était passionnant d’enraciner dans son journal. Il a tenu un journal pendant quinze ans, arrêtant la poésie pour commenter chaque jour son ressenti face aux choses et à la nature, ses états d’âme. Cela explique un peu mieux « Le Cimetière marin » et certains beaux poèmes qui ont été le fruit d’un long mûrissement. » Dans ce travail de lecture qu’elle pratique régulièrement, Brigitte Fossey apprécie particulièrement la préparation, ces longs après-midi passés à s’imprégner de l’œuvre d’un auteur. Un goût de la recherche qu’elle tient de ses études littéraires. « J’ai commencé à aimer le théâtre grâce à la littérature. Je suis d’abord une hypokhâgneuse et une khâgneuse, c’est ensuite que j’ai fait le Conservatoire d’art dramatique, puis du cinéma. J’ai souvent besoin de retourner à la source. »

Retournons aussi à la source, plus lointaine encore que celle de ses études littéraires. Brigitte Fossey est née en 1946 à Tourcoing, au sein d’une famille aimante qui la sollicite beaucoup. Son enfance est joyeuse, elle s’en souvient avec bonheur. « À la maison, la fantaisie était permanente. J’ai eu beaucoup de chance, mon enfance a été extraordinaire. » Entre un père professeur d’anglais qui aurait aimé être acteur et une mère qui lui récite des poésies écrites par son grand-père, elle s’éveille vite. Très vite, même. « À l’âge de trois ans, je commençais à lire et à écrire parce que j’avais demandé un professeur à domicile. Je voulais que mon père me prenne au sérieux ! Il écrivait des poèmes, et en même temps il faisait le clown, un grand écart permanent entre la gravité et la loufoquerie. Il était capable de parler pendant des heures des Evangiles de Saint-Jean puis de me lire Rabelais, déchaîné. » Le théâtre a lieu dans son salon, mais aussi à l’école. « Les récitations en classe ont été mes premières expériences d’actrice. Elles m’ont révélé à moi-même. Je n’avais pas le droit de regarder la télé ni d’écouter la radio, alors le spectacle était à l’école. C’était une grande aventure. « Oceano Nox » de Victor Hugo est devenu un de mes tubes. Oh ! Combien de marins, combien de capitaines, je partais sur la mer, j’étais dans le rythme du verbe, je sentais le vent dans mes cheveux. Je me prenais pour un marin. Je ne récitais pas, je vivais. »

Déjà actrice grâce à la poésie, Brigitte Fossey est une enfant curieuse. Et comme souvent chez les enfants, la curiosité entraîne vers ce qui est interdit. Parmi eux : le cinéma. « Lorsque j’avais quatre ans, mon père invitait sa collègue professeure d’anglais pour des projections de film à la maison. Au moment où ça commençait, il m’envoyait me coucher ! Une frustration épouvantable. J’ai écouté par le trou de la serrure La Belle et la Bête de Jean Cocteau. Je voyais les films par l’oreille. » La frustration s’accentue tous les jeudis car ses parents prennent pour habitude de se rendre à Lille pour y découvrir la sortie de la semaine, laissant Brigitte et son petit frère sous la garde de leur grande-tante. « La première fois que mes parents m’ont emmené au cinéma, ils ont bien choisi, c’était pour voir Les Temps modernes de Charlie Chaplin. J’ai été passionnée. Un film très drôle, bien que je me sois rendue compte du tragique de la situation, de l’aliénation de ce pauvre type par la technique. Je disais à mon père, qui hurlait de rire : « Mais pourquoi tu ris ? Ce n’est pas drôle, c’est terrible ! » » Après avoir admiré Charlot, elle découvre James Stewart. Ses parents l’emmènent voir Romance inachevée (The Glenn Miller Story) d’Anthony Mann, biographie du chef d’orchestre Glenn Miller. « J’entrais dans un univers fabuleux. Mais le cinéma n’a pas supplanté mon plaisir de la lecture, je n’ai jamais eu qu’une seule passion. »

C’est pourtant bien le cinéma qui va entrer dans sa vie par une autre porte, la grande, avec ce rôle auquel tout le monde l’associe encore aujourd’hui, celui de Paulette, petite fille confrontée au drame de l’exode dans Jeux interdits de René Clément (1952). « J’ai vécu ce tournage comme le privilège d’être acceptée dans le monde des adultes. Être prise au sérieux, enfin ! » Au départ, ce n’était pourtant pas son choix de jouer dans le film – elle avait cinq ans. Ce premier rôle trouve son origine dans un pari. « Ma tante, qui n’avait pas d’enfant et aimait beaucoup le cinéma, a lu une annonce dans le Nice Matin alors que nous étions en vacances chez elle, à Cannes : « René Clément recherche une enfant de 11-12 ans pour son prochain film ». Elle a dit à ma mère : « Marcelle, je te parie que s’il la voit, il la prend. » Ma mère lui a répondu : « Mauricette, je te parie que s’il la voit, il ne la prend pas. Elle est bien trop petite. » » Brigitte n’a en effet pas du tout l’âge du rôle. « Je n’étais pas contente parce qu’on ne m’avait pas consulté ! Mais voilà que nous partons en voiture en direction de l’hôtel Ruhl, à Nice, pour y rencontrer René Clément. Il faisait une chaleur folle, je n’avais aucune envie d’y aller mais j’étais bien élevée, alors je ne disais rien. » Elle débarque dans une salle où des dizaines d’enfants de 9 à 12 ans sont réunies… Rien qui ne l’impressionne pour autant. René Clément est d’abord réticent à l’idée faire passer un essai à la plus petite fille de l’assemblée, mais il accepte sur l’insistance de sa femme, Bella, qui pense qu’il faut lui laisser sa chance, décelant la personnalité qui se cache en elle. « René Clément a commencé à raconter l’histoire du film, puis il s’est adressé à toutes les enfants pour demander qui avait compris et serait en mesure de résumer ce qu’il vient de dire. Personne n’a levé le doigt, elles étaient toutes intimidées… Sauf moi. Je n’étais pas encore timide, c’était trop tôt, tout ça m’était égal. Je lui ai raconté l’histoire, puis il m’a demandé de le faire en riant, et de le faire en pleurant. J’avais l’habitude, je jouais à ça avec mes parents à la maison. » Impressionné par l’assurance et l’aptitude de Brigitte Fossey à passer d’une émotion à l’autre, René Clément décide de la revoir. Ce à quoi la mère de Brigitte n’était pas prête, le pari initial prenant une ampleur inattendue – qui commence en revanche à amuser de plus en plus Brigitte Fossey. « Lors du deuxième rendez-vous, les scénaristes Pierre Bost et Jean Aurenche étaient présents, ainsi que Jacques Tati, dont l’avis comptait beaucoup pour René Clément. Il m’a fait revenir pour me montrer à ses collaborateurs et meilleurs amis, leur demander leur avis. Et il m’a choisie. »

Et voici que Brigitte Fossey passe de l’autre côté de l’écran, donnant la réplique à Georges Poujouly, de six ans son aîné. Elle joue dans la cour des grands. Au départ, le film devait être un court-métrage intitulé Croix en bois, croix en fer, puis il a été étendu en long-métrage (sous l’impulsion du producteur, de Jean Aurenche et de Jacques Tati). Cette expérience unique, si jeune, lui a laissé de nombreuses images en tête. « Je me souviens particulièrement de la scène dans laquelle j’enterre mon petit chien. Dans le texte, je devais dire très vite : « Que le bon Dieu le reçoive dans son paradis, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il. » Je le faisais très, très vite car il fallait que personne ne me surprenne. À un moment donné, je me suis trompée jusqu’à dire n’importe quoi, et c’est ce que voulait René Clément. J’ai éprouvé un certain plaisir et une certaine difficulté en même temps à interpréter cette frénésie rapide, drôle et tragique. J’ai ressenti une vraie joie de comédienne. »

Brigitte Fossey dans Jeux interdits. ©Sophie Dulac Distribution

De René Clément, elle garde le souvenir d’un directeur d’acteur persuasif et très exigeant, sans complaisance, trait de caractère qu’elle retrouvera ensuite chez François Truffaut (L’Homme qui aimait les femmes, 1976) et Claude Sautet (Un mauvais fils, 1980). De la sortie du film, elle se rappelle avoir été sonnée par sa première projection au festival de Cannes en découvrant le montage final, et d’une séance photo avec… William Holden. Puis de la fin d’une histoire. « Après la projection, j’ai dit au revoir à Georges Poujouly et je suis partie en voiture avec René Clément, Bella et mes parents. J’étais sur la banquette arrière, je me suis sentie triste. Quelque chose se terminait. »

Ce n’était cependant pas près de s’arrêter pour Brigitte Fossey. Dans son enfance, elle a l’opportunité d’interpréter quelques rôles. À neuf ans, elle est filmée par Gene Kelly dans La Route Joyeuse (1956), choisie pour sa facilité déconcertante à comprendre les enjeux du jeu, et parce qu’elle était parfaitement bilingue. « C’est avec ce film que je me suis rendue compte qu’il était très difficile de jouer la comédie. J’ai pris conscience que c’était un métier. Lorsque René Clément me dirigeait, il me donnait des indications qui avaient un effet immédiat sur moi. J’étais comme de la cire sur laquelle on écrivait avec un stylet. Mais à neuf ans, j’étais plus construite, moins émotive, tout cela nécessitait un apprentissage. »

L’envie de devenir actrice ne lui vient pas tout de suite pour autant. À la fin de son adolescence, elle se consacre à ses études littéraires, se passionne pour la philosophie, projette de devenir journaliste ou psychanalyste. Sous l’influence de sa tante, elle passe six mois en Suisse dans une école d’interprétariat, travaillant les langues avec passion – anglais, espagnol, italien. Dans le même temps, elle fréquente la Cinémathèque de Genève et se rend souvent au théâtre. Jusqu’au jour où elle reçoit un courrier qui la rappelle aux plateaux de cinéma : le réalisateur Jean-Gabriel Albicocco aimerait la rencontrer pour lui proposer le rôle d’Yvonne de Galais dans Le Grand Meaulnes (1967), son adaptation du roman d’Alain-Fournier (1913). « J’ai apprécié que le sujet soit lié à la littérature, et je voulais aller à Paris pour faire le Conservatoire. Je pouvais tourner le film en été puis passer l’examen d’entrée en octobre. » L’occasion, également, de se plonger dans la bibliographie d’Alain-Fournier, de visiter tous les lieux qui lui ont inspiré son roman et de rencontrer sa sœur, Isabelle Rivière. « Un jour, sur le tournage, on me dit que la famille d’Alain-Fournier va venir sur le plateau. J’étais terrorisée, j’avais peur qu’ils soient déçus. Heureusement, ils ne l’ont pas été. C’est toujours impressionnant et passionnant de jouer une personne qui a existé. »

À présent que le cinéma est revenu à elle, Brigitte Fossey sait ce qu’elle veut : acquérir une formation théâtrale, jouer à la fois devant les caméras et sur scène pour varier autant que possibles les expériences. La fin des années 1960 en rend bien compte puisqu’elle tourne dans Raphaël ou le débauché de Michel Deville, joue L’Été de Romain Weingarten au théâtre de Poche Montparnasse et débute à la télévision dans Crime et Châtiment de Stellio Lorenzi. Elle accepte également Les Gens de Mogador (1972) de Robert Mazoyer, téléfilm dans lequel elle donne la réplique à Marie-France Pisier et Marie-José Nat, alors que ses amis cinéphiles tentent de la dissuader de travailler pour la télévision. « Cela me fait rire quand je vois tous les acteurs qui acceptent aujourd’hui de faire des séries ! J’avais le sentiment que ce qui comptait avant toute chose, en m’engageant sur un projet, était son sujet et avec qui je le faisais, le metteur en scène et mes partenaires. »

Son désintérêt pour les écoles fermées se traduit en goût pour l’éclectisme et se vérifie tout au long de sa carrière, variant des univers d’auteur très divers. Parmi ses rencontres les plus marquantes dans les années 1970 se trouve Roger Planchon, le seul metteur en scène vers qui elle a fait la démarche d’aller. Résultat, trois pièces de théâtre dont un Dom Juan, au théâtre de l’Odéon. Côté cinéma, elle collabore avec Bertrand Blier sur Les Valseuses (1973), grande prise de risque si l’on se souvient de sa scène dans le train. « Lorsque Bertrand Blier est venu me chercher, j’étais en train de lire Henry Miller. En lisant son scénario, je ne me trouvais pas si éloigné de ma lecture du moment ! Jusqu’à présent, seul le théâtre m’avait donné de vrais rôles de composition. Je me suis beaucoup préparée pour cette scène dont le tournage a duré trois jours. J’avais pris six kilos. Je voulais défendre le personnage, qui était écrit avec un peu de hauteur, je me disais qu’elle valait mieux que la seule caractérisation de « fille nunuche ». Pour moi, c’était une fille qui avait eu un passé difficile, elle avait peut-être été obligée, comme Sonia dans Crime et Châtiment, de se prostituer pour survivre. J’imaginais que la scène représentait son démon en train de venir la rechercher. Ce qui m’intéressait était de jouer le conflit intérieur de cette fille qui ne veut pas retomber. » Cette scène a cassé l’image immaculée que l’actrice avait pu entretenir depuis ses débuts au cinéma – après la sortie des Valseuses, elle reçut même des lettres d’insultes. « Mon agent m’avait dit : « Mais tu ne vas pas faire ça ! » Je lui ai répondu qu’une comédienne n’était pas une image mais tout le contraire, quelqu’un qui change d’image. Mon professeur de théâtre, Andréas Voutsinas, citait toujours cette phrase de Tennessee Williams : « On ne peut être acteur que si on est persuadé que rien de ce qui est humain n’est honteux. » On ne peut être acteur que si on peut tout jouer. Il y a bien sûr des limites. Lorsque Just Jaeckin m’a proposé Histoire d’O, j’ai dit non. C’était un rôle avilissant. Je l’ai refusé. »

Avec Paul Newman, dans Quintet de Robert Altman. ©DR

Brigitte Fossey ne dit pas oui à n’importe qui, portée vers l’épaisseur des rôles et, avant tout, par sa cinéphilie. Entre 1975 et 1978, Claude Lelouch, Benoît Jacquot, Jean-Charles Tacchella, François Truffaut et même Robert Altman, dont elle connaissait tous les films, la sollicitent. « Robert Altman m’avait vue dans Le Pays Bleu de Jean-Charles Tacchella. Ou plutôt il m’avait entendue, car c’est ma voix qui l’avait marqué. Il m’a demandé de doubler Shelley Duvall dans Trois femmes, avec qui il y a effectivement une ressemblance. Le plus extraordinaire dans cette histoire, c’est que lorsque je suis arrivée au studio de Gennevilliers pour ma première journée de doublage, je me suis rendu compte que le régisseur général était… Georges Poujouly ! On ne s’était pas revu depuis le tournage de Jeux interdits. Il s’était reconverti. » Après cette courte aventure, Robert Altman la rappelle alors qu’elle présente le nouveau film de François Truffaut, L’Homme qui aimait les femmes, à New York : il souhaiterait qu’elle joue la femme de Paul Newman dans Quintet, film de science-fiction tourné dans les décors d’une exposition universelle, dont l’étrangeté fascine encore. « Robert Altman disait toujours : « Je peux faire n’importe quoi depuis MASH, tout le monde veut me produire en espérant que je vais refaire le même succès ! » Quintet était très avant-gardiste… Il m’avait dit que je jouerais la dernière femme enceinte de l’humanité, d’ailleurs je m’appelais Vivia. Il fallait avoir une joie de vivre, être comme j’étais. Il a invité tous les acteurs huit jours avant le tournage pour faire connaissance, créer une ambiance entre nous. On était au Canada, à Montréal, l’atmosphère était délicieuse. J’allais au sauna avec Bibi Andersson puis on se roulait dans la neige sur le balcon. Quand à Paul Newman, il était très timide et d’une grande gentillesse. Lorsque j’étais enfant, j’avais mis sa photo sur ma table de chevet, je l’avais découpée dans un journal et posée dans un cadre en argent. J’avais dit à ma mère que quand je serai grande, je tournerai avec lui ! Le soir où Robert Altman m’a dit que j’interpréterais sa femme, j’ai tout de suite appelé ma mère. Mais je n’ai pas raconté cette histoire à Paul Newman car elle lui aurait déplu, il n’aimait pas être considéré comme un mythe. »

Au début des années 1980, une nouvelle génération d’acteur apparaît, les rôles que le cinéma français propose à Brigitte Fossey changent eux aussi de génération. Elle joue la mère de Sophie Marceau dans La Boum de Claude Pinoteau, cinéaste dont elle loue la capacité d’attention et la précision pour le rythme de la comédie. « Je me suis bien rendu compte de la force générationnelle du film car ma fille a deux ans de moins que Sophie Marceau. Un soir, quelques temps après la sortie, elle m’a demandé l’autorisation d’aller en boum en provoquant les mêmes questions que dans le film ! J’ai fini par céder parce que la boum avait lieu dans notre immeuble. Ma fille a profité de La Boum pour me montrer qu’elle avait l’âge de sortir. » Ce film peut être vu comme un passage de relais entre elle et Sophie Marceau. Comme Brigitte Fossey, la tête d’affiche de La Boum interprète un premier premier rôle très jeune, qui n’allait pas être le dernier… « Nous étions tous persuadés que Sophie était une graine de star. Elle était sûre d’elle, belle, spontanée, naturelle. Jamais elle ne se regardait jouer. Elle fonçait. Nous n’avons pas la même nature, mais peut-être que nous avions pour point commun le fait de savoir ce qu’on voulait. »

La filmographie de Brigitte Fossey couvre ainsi des succès grand public comme des pépites introuvables, notamment issues du cinéma d’auteur d’Europe de l’Est. Lesquelles lui sont le plus chères ? « Il y en a plusieurs. L’Impératif de Krzysztof Zanussi (1982), avec son beau scénario dostoïevskien, qui interroge la notion de sacrilège, du bien et du mal. Enigma de Jeannot Szwarc (1982), avec Martin Sheen et Sam Neill, qui se déroule pendant l’époque du communisme en Russie et en Allemagne. Nous l’avons tourné à Strasbourg. La vieille gare de Russie que l’on voit dans une scène est celle de Tourcoing, ma ville natale ! Il y a aussi Le Cri du papillon de Karel Kachyňa, avec Tom Courtenay (1991). Il fait partie des deux acteurs les plus tendus, les plus angoissés et les plus vibrants avec qui j’ai travaillé au cinéma. L’autre, c’est Charles Denner. Ce sont des acteurs hors du commun. Au théâtre, Gérard Desarthe était comme ça également. La nuit, il ne dormait pas, il répétait inlassablement son texte. C’est merveilleux de travailler avec des gens comme eux. Ils étaient si habités que c’était facile de jouer. Comme au tennis, sauf qu’on ne se bat pas l’un contre l’autre. » Et lorsqu’on lui demande qui sont les cinéastes qui lui ont le plus appris, elle préfère parler de la scène. « Au théâtre, on apprend à vivre davantage qu’au cinéma. Les répétitions sont quotidiennes, le contact avec le metteur en scène est plus proche. On va profondément à l’intérieur des personnages, on vit avec eux. Ça vous marque pour toujours. »

Propos recueillis par Victorien Daoût le 30 août 2021, par téléphone.

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