Studio en vogue depuis plusieurs années, A24 s’est imposé progressivement sur la base d’un subtil travail d’ersatz des années 70 et 80, passé sous un vernis vintage. Après le rise-and-fall scorsesien (The Iron Claw) et le néo-Apocalypse Now (Civil War), c’est au tour de Rose Glass de s’essayer au polar, sous l’ombre des frères Coen, avec Love Lies Bleeding.
Romance entre une « loser » et une jeune culturiste sur fond de trafic de drogues dans les contrées arides du Nouveau-Mexique : Love Lies Bleeding a tous les ingrédients nécessaires pour une série B détonante. Pourtant, du début à la fin, le film de Rose Glass évolue dans l’indifférence caractéristique des produits qui semblent plus conçus par un algorithme que par un véritable regard d’artiste. Du cercle de la violence (No Country for Old Men) aux poussées d’humour noir (Fargo), c’est tout l’imaginaire des frères Coen qui semble convié à la fête, mais sans jamais être manié autrement que comme un agencement hasardeux de diverses références.
Le long-métrage semble activement chercher sa tonalité, juxtaposant maladroitement un sérieux à toute épreuve à des percées de violence complaisantes. Par conséquent, l’harmonie fragile trouvée entre les genres par ses maîtres à penser n’accouche, chez Rose Glass, que d’un gloubi-boulga inoffensif, dans lequel les quelques sorties de route – le deus ex machina final, entre autres – ressemblent plus à une fuite de son propre sujet qu’à une véritable transgression.
Si Love Lies Bleeding (et une partie de l’écurie A24) a toutefois retenu quelque chose des années 80 qui semblent tant l’attirer, c’est surtout une certaine idée de l’esthétique clipesque. Sous son montage monocorde, une scène de sexe ou un flashback traumatique sont traités avec la même importance, simplement guidés par cette envie adolescente de faire de l’image pour l’image. Le talent mis en œuvre est bien présent, notamment lorsqu’il donne corps au désir entre Kristen Stewart et Katy O’Brian, mais Love Lies Bleeding semble trop occupé à montrer les muscles pour réfléchir sur ses propres images.
Love Lies Bleeding / De Rose Glass / Avec Kristen Stewart, Katy O’Brian, Ed Harris, Dave Franco & Jena Malone / Royaume-Uni, États-Unis / 1h44 / Sortie le 12 juin 2024.
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