
Mehdi et Hamid travaillent pour une agence de recouvrement et sillonnent le Maroc en quête de remboursements. Comme Laurel et Hardy mais identiques, le duo se retrouve dans des situations toutes plus décalées les unes que les autres. Film à sketchs délicieusement absurde puis soudain épopée mystique, le film de Faouzi Bensaïdi n’est pas sans surprises.
Leurs costumes bleus ciel se démarquent des couleurs chaudes du désert. Dans ces immenses paysages, les deux petites figurines humaines sont déplacées d’intrigue en intrigue, de tableau en tableau, par un réalisateur au sens de la composition impeccable. Formellement impressionnant, Déserts séduit donc par son esthétique travaillée mais également une certaine forme de candeur qu’il parvient à conserver. Plus encore que la posture, Faouzi Bensaïdi a de Tati le sens du cadre et du rythme. Le cinéaste capte chez ses personnages la part de bonté insouciante qui nous les rend tendrement attachants, il filme leur résignation avec pudeur et bienveillance.
Pourtant, lorsqu’on croit enfin avoir saisi l’essence de Déserts, le réalisateur bifurque radicalement et trace un nouveau chemin dans le sable. On apprend alors que nos deux héros, à la manière de Rosencrantz et Guildenstern, n’étaient que les seconds rôles dans une histoire d’amour tragique qui les dépasse. Dans ce conte, il nous dévoile alors le triste destin d’un prisonnier évadé et de sa bien-aimée, pourchassés par un brigand. Les deux couples marchent inlassablement et sans repères, jusqu’à ce que leurs routes convergent. Le cinéaste met en scène l’entêtement humain pour sa survie, sa capacité à espérer. Nul repos pour qui cherche l’apaisement.
Avec Déserts, Faouzi Bensaïdi montre son aisance quant à la rupture de ton : sa parfaite maîtrise de l’humour et de l’amour sur grand écran ; même si l’on regrette que cette deuxième intrigue ne soit jamais embrassée complètement et soit entrecoupée de scènes qui nous revoient à la première. Cela étant, la capacité du cinéaste à éclairer le désert d’une lumière chaleureuse et burlesque avant de lui offrir des reflets plus ombragés et funestes est tout à fait admirable.
Déserts / De Faouzi Bensaïdi / Avec Fehd Benchemsi, Abdelhadi Taleb, Rabii Benjhaile / 2h04 / Maroc / Festival de Cannes 2023 – La Quinzaine des Cinéastes.