La Porte de l’Enfer

Rétrospective Palme d’or

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©D.R.

« Les plus belles couleurs du monde ! » C’est ainsi que Jean Cocteau, président du jury à Cannes en 1954, manifesta son enthousiasme pour La Porte de l’Enfer, à qui il attribua la Palme d’or – alors appelée Grand Prix.

Il aura fallu attendre les années 1950 pour que l’Occident apprenne que le cinéma japonais existe – alors que celui-ci était florissant depuis 1896. Certes, quelques films étaient arrivés aux États-Unis et en France dans les années 30, mais pas au point que l’on soupçonne l’incroyable vitalité de cette industrie. Le Lion d’or remporté à Venise par Rashōmon (Akira Kurosawa) en 1951 ouvrit les vannes, et c’est toute une éblouissante cinématographie qui allait enfin s’offrir à nous. 

Derrière La Porte de l’Enfer, un seul homme : Masaichi Nagata. Ce producteur fut d’abord interdit d’exercice au lendemain de la guerre pour ses excès de zèle dans le cinéma de propagande d’un pays alors allié de l’Allemagne nazie. Mais dès sa libération, Nagata monte, avec des amis à lui, la Daiei, dont il veut faire le plus grand studio japonais. Et il va y arriver.

Son intuition : le cinéma japonais est si bon qu’il peut s’exporter dans le monde entier. En quelques années, le producteur rafle un Lion d’or et deux Lions d’argent à Venise, de nombreuses sélections à Cannes et six nominations aux Oscars. Et cette Palme d’or, donc. 

Film en costumes (au Japon, on dit « jidai geki »), La Porte de l’Enfer est ce qu’on appelait à l’époque « un grand spectacle ». Grands décors, grandes scènes d’action, grands sentiments. Un samouraï est chargé d’évacuer une femme alors qu’un château est attaqué, il tombe amoureux d’elle, elle est déjà mariée. La Daiei a mis le paquet côté direction artistique et distribution. Des couleurs et des costumes à tomber, et un casting de luxe : l’ancienne star du muet Kazuo Hasegawa et la it-girl du moment, Machiko Kyo. Le vétéran Teinosuke Kinugasa est aux commandes et Masaichi Nagata lui-même collabore au scénario. Ah, il la veut sa récompense internationale !

Depuis, La Porte de l’Enfer, qui ressort régulièrement en salles, a une réputation plutôt tiède. Le film serait un produit conçu pour l’export par un producteur ambitieux. C’est évidemment faux, et c’est oublier que Kinugasa est un des meilleurs cinéastes de l’âge d’or des studios. L’œuvre est un condensé de ce que le cinéma de divertissement « made in Daiei » offrait de mieux, avec les plus grands artisans du cinéma japonais aux commandes. Du cinéma sans cynisme, où les histoires d’amour finissent tragiquement pendant que le vent fait plier les roseaux et ondoyer la surface de l’eau. Du mélo en kimono et en forme de chromo. On peut ricaner, on peut aussi trouver ça sublime. 

Le procédé Eastmancolor utilisé fut travaillé pour révéler les bleus et les mauves, et la formule fut à nouveau utilisée sur quelques productions Daiei. Le résultat est spectaculaire, mais il était si coûteux que le film fut souvent diffusé en noir et blanc. Néanmoins, le film totalisa près de 1,5 million d’entrées en France, permettant au cinéma japonais d’achever de se faire connaître dans nos contrées cinéphiles, pour le meilleur.

La Porte de l’Enfer / De Teinosuke Kinugasa / Avec Kazuo Hasegawa, Machiko Kyo, Isao Yamagata / Japon / 1h29 / 1953.

Une réflexion sur « La Porte de l’Enfer »

  1. J’ai vu ce film il y a pas mal d’années maintenant. Sa Palme d’or m’avait intrigué mais j’ai bien de la peine à m’en rappeler dans le détail.
    Merci pour toutes ces précisions sur le film qui mérite donc d’être revu.

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