La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume

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© The Walt Disney Company

Sorti en 2017, La Planète des Singes – Suprématie s’achevait par la mort du leader César et semblait tirer un trait définitif sur ce reboot de la vénérable saga adaptée du roman de Pierre Boule. Après une ouverture en trait d’union, dans laquelle Wes Ball prête allégeance à la trilogie dont il reprend le flambeau, le réalisateur nous propulse en avant de plusieurs centaines d’années et remet ainsi les compteurs à zéro. L’humanité semble avoir disparu, la nature a repris ses droits, et l’on suit les pas de Noa, jeune singe issu d’une colonie pacifique de dresseurs d’oiseaux. Très vite, cette quiétude est interrompue par l’irruption d’un groupe de primates armés se réclamant de César, qui procède au rapt de la communauté.

L’étonnante réussite de La Planète des Singes : Les Origines (2013) reposait sur son argument antispéciste radical : en filmant l’éclosion d’une conscience et la prise d’autonomie de César, Rupert Wyatt reléguait peu à peu l’humain à la marge, jusqu’à en faire un élément tout à fait indésirable. Ce décentrement de l’humain vers le non-humain s’accompagnait alors d’une révolution technique : poussée à son paroxysme, la performance capture libérait les acteur.ice.s de leur enveloppe charnelle pour leur permettre d’épouser un devenir simiesque plus vrai que nature. Curieusement, les deux suites réalisées par Matt Reeves effectuaient un trajet inverse et, en réintroduisant de l’humain dans le récit, perdaient progressivement en intérêt.

En embrassant l’ensemble de ces mouvements contradictoires, La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume se présente comme une synthèse médiane dont l’absence de choix tranchés précipite l’échec. Le personnage de Noa est comme l’aiguille d’un métronome oscillant entre deux pôles. D’un côté Proximus, primate nourri aux récits de conquêtes romaines par son humain domestiqué et seigneur auto-proclamé de son royaume. Personnage passionnant sur le papier, qui aurait pu interroger la légitimité du pouvoir, la primauté du groupe sur l’individu, ce néo-César se révèle un banal despote tyrannique assoiffé de pouvoir. De l’autre, Mae, adolescente humaine et intelligente, contrairement à ses semblables retourné.e.s à l’état primitif. Avec elle, Noa quittera ses préjugés méprisants sur l’espèce humaine et formera une alliance pour renverser le pouvoir totalitaire du roi.

Pris entre deux feux, le récit est prisonnier d’un système d’aller-retour répétitif et ennuyeux qui donne surtout le sentiment que Wes Ball et ses scénaristes ne savent pas vraiment quoi raconter. Les scènes de dialogues explicatives alternent inlassablement les séquences de combat, et l’on peine à s’intéresser aux enjeux du film (à savoir, que Noa retrouve et sauve les siens). La faute également à des personnages aux contours trop vite dessinés. La patiente construction du personnage de César était essentielle à la tenue de l’édifice que constitue les trois premiers opus. Ici, tout va trop vite, et aucun de ces nouveaux personnages n’atteint une épaisseur dramatique suffisante pour émouvoir.

Pourtant, une scène se détache et laisse entrevoir le vertige qu’aurait pu susciter le film. En suivant Mae dans un bunker préservé des ravages du temps, Noa et ses compagnons découvrent un livre illustré qui raconte une visite au zoo. Interdits devant ces dessins colorés représentant des singes enfermés dans des cages, les primates relèvent la tête lorsque la jeune humaine pénètre dans la pièce. L’espace d’une seconde, un flottement signale discrètement qu’un doute les traverse : si l’humanité fut capable d’une telle cruauté, ont-ils bien choisi leur alliance ? Malheureusement, ce trouble est vite remisé au placard au profit d’une conclusion plus convenue qui, par le biais d’un montage alterné, place sur un pied d’égalité l’humain et le singe tourné dans la même direction. Une coexistence pacifiée en forme de retour à la case départ, préparant très probablement le terrain à une future suite qui, on l’espère, fera le choix de la radicalité qui avait si bien réussi à La Planète des Singes : Les Origines.

La Planète des Singes : le Nouveau Royaume / De Wes Ball / Avec Owen Teague, Freya Allan, Peter Macon / 2h25 / États-Unis / Sortie le 08 mai 2024.

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