
Sarah fait partie des trois astronautes choisis pour partir en mission d’un an, en vue d’un voyage sur Mars. Elle s’entraine ardemment à l’approche de son départ, événement tant attendu bien que source d’inquiétude. Si elle est une astronaute expérimentée, qui impressionne ses collègues masculins au cours de leur préparation physique, elle est aussi une mère qui a peur de quitter sa fille.
C’est une nouvelle tendance du cinéma de science-fiction que de raconter le lien filial à travers le voyage interstellaire. Après la relation père-fils par James Gray dans Ad Astra, la relation mère-fille par Alice Winocour (Maryland) qui, contrairement au premier, se déroule uniquement sur Terre. Le départ pour l’espace sera l’ultime séparation ombilicale, mais l’éloignement progressif entre Sarah (Eva Green) et sa fille Stella (Zélie Boulant-Lemesle) a lieu sur notre planète. L’Allemagne, puis le Kazakhstan où elle doit passer en quarantaine avant le décollage, on suit les étapes de la préparation de l’astronaute avec grand intérêt tant Alice Winocour s’est rigoureusement documentée. Au cours de ces moments, conçus comme autant de points de rupture, la communication entre la mère et sa fille se complique. Les appels se font moins bavards, le dialogue est difficile. Mais la connexion plus intense. Lors d’une séquence qui les place de part et d’autre d’une vitre pour des raisons d’hygiène, les mots manquent, tout est contenu dans la situation même et sa puissance évocatrice: le sentiment de perte, la conscience de l’éloignement inévitable.
« Tu sais que ta mère va partir ? », demande-t-on à la fille de Sarah lors d’un rendez-vous protocolaire. Cette question résonne autant comme le rappel du long voyage d’un an que sa mère s’apprête à faire que l’angoisse plus profonde qui l’accompagne, celle de sa disparition définitive. C’est ce qui rend le film bouleversant, habité par la conscience de la finitude de chacun, partagé par tous. Dans cet univers où rares sont les femmes à parvenir aussi loin, ce que le film rappelle à intervalle régulier, c’est moins par sa position minoritaire que par son amour maternel que le personnage est finalement caractérisé. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à s’inquiéter à l’idée de ne plus voir sa famille. L’un de ses collègues se confie aussi, un soir alors qu’ils campent en forêt, sur la peur que sa mère décède avant son retour. Quoi de plus humain et de plus ordinaire, alors que l’on fait un métier extraordinaire ?
Loin de tout sensationnalisme lacrimal, Proxima ne cherche pas non plus à ménager des tours de force émotionnels propres au genre, le rendant véritablement original. Les scènes d’entrainement sous-marin, propices au sentiment anxiogène de claustration, ne servent pas à la création de quelque suspense, mais apportent plutôt un supplément d’intimité dans le portrait du personnage principal. Eva Green trouve un rôle à la mesure de son talent, et en français – c’est si rare -, loin des personnages de femme fatale néo-gothique auxquels on peut la croire abonnée (où elle excelle aussi). Elle touche de bout en bout en mère confrontée à la séparation, ce sentiment commun approché avec une extrême sensibilité.
Proxima / D’Alice Winocour / Avec Eva Green, Zélie Boulant-Lemesle, Lars Eidinger, Matt Dillon / France – Allemagne / 1h46 / Sortie le 27 novembre 2019.