
On s’installe devant le troisième film de Sébastien Marnier comme un dimanche après-midi d’hiver autour d’un jeu d’enquête. Le synopsis nous met déjà sur la piste d’un Cluedo cinématographique. Une grande bâtisse, une étrange famille, six suspects, et… « quelqu’un qui ment », affiche la règle du jeu. Chaque joueur parcourt le manoir de ses espaces interdits à ses passages secrets, pose des questions et relève des indices. On photographie de manière impétueuse les pièces à conviction d’une scène de crime. L’affabulation, le bluff, et l’hypocrisie sont de mise… Que la partie commence !
Une brumeuse ambiance enveloppe le film, brouillant l’horizon. Alors que la buée envahit l’écran dès la scène d’ouverture, chaque spectateur, déjà impliqué dans la partie, cherche à donner un sens à ce lieu. Le vestiaire d’une piscine ? ou d’un hôpital ? Tout élément apparaissant à l’écran est prétexte à une piste potentielle. Mais montrer des jeunes femmes nues sous la douche ne signifie pas nécessairement que la scène se passe dans le vestiaire d’une piscine. Des personnages en blouses blanches ne sont pas obligatoirement des soignants. Le spectateur cherche une explication rationnelle à ce qu’il voit. Le film nous montre que si les êtres mentent, les images ont elles aussi le pouvoir de tromper. Depuis l’identité des personnes rencontrées jusqu’à ce qui les distingue, notre capacité de perception et d’analyse est mise à mal, constamment induite en erreur.
Dans ce léger brouillard apparaît Porquerolles, lieu de domiciliation de l’action. L’île n’est pas exposée pour son atout pittoresque mais parce qu’elle est le refuge de la famille. On ne s’attarde pas sur les fameux points de vue touristiques de la destination, le plus bel endroit du monde étant le restaurant dont le père est propriétaire. Son manoir sur l’île, symbole d’exil, est une adresse sans échappatoire, entouré par les eaux, alors que s’éloigne vers le continent le dernier bateau.
Dans ce condensé de faux-semblants, et à l’image du procédé qui divise l’écran, deux mondes s’opposent : celui des dirigés, celui des dirigeants. Chez ces derniers, les plus hauts en place sont les plus vulnérables et le rôle du « chef de famille » est menacé. Les directions inattendues qu’emprunte L’Origine du mal n’en sont pas moins déplaisantes. Le film sonne comme un cri de vengeance, celui d’un girlsband œnophiles blotties en peaux de bêtes sur un canapé, et pourquoi pas, après tout ?
L’Origine du mal… Une affirmation philosophique allant au-delà de la famille, et dont la lutte des corps à corps nous pousse à questionner l’essence de l’Homme : est-il mauvais par nature ou est-ce la société qui corrompt l’homme bon ? Hobbes contre Rousseau, à notre époque, Marnier relance le débat. Vous avez deux heures cinq.
L’Origine du mal / De Sébastien Marnier / Avec Laure Calamy, Doria Tillier, Dominique Blanc, Jacques Weber / 2h05 / France , Canada / Au cinéma le 5 octobre 2022.
A reblogué ceci sur AnaLise.
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