Rencontre avec : Jonás Trueba

© Lorenzo Pascasio

Presque deux ans après le succès d’Eva en août qui l’avait fait connaître à l’internationale, Jonás Trueba, fils du cinéaste renommé Fernando Trueba, revient avec Qui à part nous, portrait ample d’une génération, entre documentaire et fiction.

Vos précédents films étaient empreints d’une dimension autobiographique assez forte, comme Eva en août ou La Reconquista. En est-il de même pour Qui à part nous ? S’agissait-il aussi de remettre en scène votre adolescence ou vos souvenirs d’adolescents ?

En réalité, c’était plutôt la Reconquista qui était censée représenter ou suggérer quelque chose de ma propre adolescence. Ici, je suis parti d’autres personnes mais, de fait, si aujourd’hui j’essaie de voir de quel film je me sens proche, je me reconnais tout autant dans les adolescents de Qui à part à nous que dans la Reconquista.

Votre film mélange documentaire et fiction avec une fluidité impressionnante, comment êtes vous parvenu à brouiller les frontières entre le réel et le jeu ?  

Tout l’enjeu, ou en tous cas le désir très net que je ressentais, c’était précisément d’avoir cette question du passage de l’un à l’autre. D’avoir la présence de la fiction et de cette dimension documentaire mais que le passage de l’un à l’autre soit le plus naturel, le plus fluide possible. Qu’il y ait une coexistence harmonieuse entre les deux. Il se trouve en effet que, souvent, le cinéma fait la distinction très claire entre ce qui est purement documentaire ou purement fictionnel. Moi, en tant que spectateur, j’aime ces deux genres. Et parce qu’on aime avoir dans son film des choses qui nous plaisent chez d’autres, il était important pour moi de faire une place à ces deux démarches de cinéma. Mon intention, c’était juste cette coexistence, mais c’est intéressant de voir que ça a suscité aussi de la confusion. Il y a eu des remarques qui m’ont beaucoup amusées, notamment de spectateurs qui ont encore cette posture ingénue vis-à-vis du cinéma. Qui prennent pour réelles des scènes de fiction simplement parce qu’ils sont encore dans ce rapport de croyance à ce que l’on voit. Pour moi, ces scènes recréées sont tout aussi réelles, tout aussi vraies que des scènes documentaires. Les choses se sont vraiment déroulées, elles ont vraiment eu lieu, elles ont leur propre vérité. Donc, en tant que telle, la question du genre ne se pose pas, puisque la vérité est toujours là. Mais il est intéressant de voir qu’en fonction du regard que vous portez, l’approche est différente… 

Le film a-t-il été écrit où s’agissait-t-il d’une forme d’improvisation documentaire ?

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Dark Water

Rétrospective J-Horror

© The Jokers / Les Bookmakers

Bientôt vingt ans que Dark Water est sorti en salle, bien qu’il soit empreint de l’esthétique si particulière des films d’horreur des années 2000, le long-métrage d’Hideo Nakata n’a que peu perdu de sa fraîcheur.

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En même temps

Actuellement au cinéma

© Chloe Carbonel / Ad Vitam

Gustave Kervern et Benoît Delépine nous dévoilent avec En même temps un film à l’humour décomplexé qui rappelle, dans la lignée de leurs précédents long-métrages, que l’absurde reste éminemment politique, voire l’est d’autant plus dans le contexte actuel. 

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Abuela

Au cinéma le 6 avril

© Wild Bunch

Abuela réalisé par Paco Plaza – réalisateur de la saga horrifique à succès REC – et écrit par Carlos Vermut – auteur acclamé lors du festival de San Sebastian de 2015 pour son film La Nina de Fuego – sort en salle le 6 avril. L’affiche pouvait laisser présager un long métrage intéressant, servi à l’écriture par un scénariste éclectique issu de la BD et par un réalisateur dont la recette horrifique pouvait faire mouche. À cela s’ajoutait le sujet, la relation entre une grand-mère mourante et sa petite fille dans la fleur de l’âge, qui pouvait promettre une certaine originalité.

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Ma Nuit

Au cinéma le 10 mars 2022

© Epicentre films

La recette est simple : après avoir choisi une histoire de romance éculée, incorporez des thèmes universels qui, si formulés élégamment, donnent l’illusion de l’intime, incluez des marqueurs d’époque, opposez plans composés à caméra portée, diluez quelques questions de sociétés pour montrer votre éveil aux problématiques contemporaines, saupoudrez de quelques gros plans d’une jeune actrice inconnue et inexpressive. Voilà, votre film pseudo-générationnel est prêt !

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Rencontre avec : Alain Guiraudie

© France Télévision

Alain Guiraudie déboule sur la scène du cinéma français au début des années 2000. À travers une exploration pittoresque du territoire français, il nous propose des personnages aussi touchants qu’inquiétants. Le cinéaste provoque visions mystiques et rires francs avec la même impudence. Son nouveau long-métrage Viens je t’emmène sort ce mercredi au cinéma.

Quel était le point de départ de Viens je t’emmène ? Était-ce plutôt les attentats ou cette notion de vivre-ensemble ? 

Alors ça, ça m’est toujours dur d’y répondre… Pourtant, la question revient beaucoup ! Je pense que je voulais faire un film sur l’époque. On ne peut pas dire que mes films soient d’une actualité brûlante donc là, je m’étais dit qu’il fallait en parler. Je pense aussi que les attentats ont été un gros traumatisme et je me demande toujours pourquoi on arrive pas à en parler, de ces traumatismes. Pourquoi on a mis tant de temps à parler du sida, par exemple ? Moi le premier, d’ailleurs. Je n’ai jamais vraiment traité le sujet, je l’ai évoqué. Les attentats, depuis New York en 2001, ce sont aussi des événements qui impriment nos vies. Tout comme la réduction des libertés qu’ils entrainent… C’était important d’en parler mais pas que de ça. De toute façon, je ne sais pas prendre un sujet et le traiter, ça ne m’intéresse pas vraiment. L’idée était de parler de l’époque, avec mon regard à moi, un peu singulier.

Il est en effet difficile de rattacher vos films à un genre précis. On aurait du mal à les définir exclusivement comme des comédies, des films à enquête ou encore comme des satires sociales. Comment l’expliquez-vous ? 

Je pense que j’ai toujours hésité. Depuis que j’ai commencé à avoir l’idée de faire du cinéma, j’ai toujours hésité entre faire des films sociaux ou politiques. Le cinéma politique m’a toujours intéressé, ainsi que les comédies ou les films fantaisistes… Dans mes goûts, quand j’étais jeune adolescent, il y avait Yves Boisset ou Costa-Gavras d’un côté et Luis Buñuel et David Lynch de l’autre. Luis Buñuel était un vrai exemple pour moi, dans le sens où il arrivait à relayer du social, une forte teneur politique avec quelque chose de l’ordre du surréalisme, de la fantaisie et de la joyeuse déconnade aussi ! Je pense que c’est ça qui m’a conduit à ce mélange. Très tôt je me suis dit : « il me faut de l’air, il me faut un ailleurs, il me faut un cinéma qui me laisse entrevoir un peu plus que juste une réalité sociale ». Notre petit quotidien, c’est assez chiant ! J’ai envie d’être sérieux, j’ai envie de me marrer : j’ai envie des deux.

Cela prend parfois une forme ludique, presque comme un conte.

Oui, il faut s’amuser. Vous savez, normalement, il y a des séquences obligatoires pour qu’on comprenne la chose. Mais j’essaie de m’en passer. Car je me suis toujours dit que si des séquences qui m’emmerdaient, je ne les écrirais pas.

Une chose dont vous semblez ne pas pouvoir vous passer c’est le territoire. Il occupe une place centrale dans votre cinéma : Pas de repos pour les braves dans le sud-ouest, Albi avec Le roi de l’évasion ou le Cap d’Agde pour L’inconnu du lac, et Rester vertical en Lozère. Là nous sommes à Clermont-Ferrand, pourquoi avoir choisi cette ville ? 

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Viens je t’emmène

Au cinéma le 2 mars 2022

Jean-Charles Clichet et Noémie Lvovsky © Les Films du Losange

Le cinéma d’Alain Guiraudie est souvent associé aux territoires qu’il filme : une enquête qui remue les milieux gays naturistes du cap d’Agde, une histoire d’amour périurbaine aux alentours d’Albi ou encore une forme de mysticisme de la solitude dans la Lozère. Ce film ne fait pas exception. Voici la comédie noire dans la ville grise. 

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