Hitcher

1986 / Ressortie le 10 avril 2024

© Tamasa Distribution

Passé relativement inaperçu à sa sortie en 1986, Hitcher de Robert Harmon nous revient dans une copie restaurée, permettant d’enfin rétablir cette erreur d’appréciation. Il faut dire que le projet d’origine avait de quoi dérouter. Pensé par son auteur comme un film d’exploitation gore et ultra-violent centré sur la figure d’un autostoppeur psychopathe, le scénario a subi de nombreux remaniements jusqu’à finir amputé de ses scènes les plus explicites. En résulte un thriller assez bancal, littéralement troué, mais c’est justement dans ses manquements, ses absences, que ce film ménage des espaces de liberté particulièrement féconds pour le spectateur.

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La salle des profs

© Alamodefilm

Après deux prix à la Berlinale dans la sélection Panorama, les prix du meilleur film de l’année 2023 et du meilleur scénario au Deutscher Filmpreis, le prix du meilleur scénario aux European Film Awards… La salle des profs de İlker Çatak est en lice pour les Oscars ce dimanche 10 mars, dans la catégorie « meilleur film étranger ». S’il a des adversaires de taille, le thriller allemand mêle habilement et de manière déroutante les sujets de société actuels au sein d’un établissement scolaire.

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Lady Vengeance

2005 / Ressortie le 6 mars 2024

© Metropolitan FilmExport

Éclipsé peu ou prou par son prédécesseur culte, Lady Vengeance, ultime segment d’une « trilogie de la vengeance » de Park Chan-wook, retrouve avec ses deux aînés Old Boy (2003) et Sympathy for Mister Vengeance (2002) la lumière des salles. L’occasion rare de (re)découvrir peut-être ce rubis devenu au fil des ans discret, emblématique du style corrosif et chiadé du cinéaste, acteur fécond avec ses pairs Bong Joon-ho et Kim Jee-woon d’un âge doré du cinéma sud-coréen.

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Rien ni personne

Actuellement au cinéma

© La Vingt-Cinquième Heure

« Vaut mieux avoir une vie de merde que pas de vie du tout » assure-t-on à Jean (Paul Hamy), petit voyou orphelin dont le métier de coupeur de cocaïne grignote son quotidien et sa santé mentale. À bout, il prend le grand large avec plusieurs précieux kilos de coke et entraine dans sa chute sa femme Nadia (Jina Djemba), son nouveau-né et ses nombreux collègues psychopathes maintenant bien enragés. Dans cette traque nocturne éclairée par les feux verts et rouges de Saint-Nazaire, Jean semble n’a comme échappatoires que la mer et son horizon lointain, accessibles grâce aux bons services de Valérie (Suliane Brahim), navigatrice alcoolique et méfiante.

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Le Successeur

Actuellement au cinéma

© Haut et Court

La musique résonne, une pulsation sourde, rythmique, malsaine. Le tempo s’accélère, les corps défilent, rapides, élégants, regard fixé sur la caméra, main sur la hanche. C’est une spirale qui se forme sous nos yeux, des silhouettes qui s’enchaînent, points noirs sur fond blanc, un vortex sans fin de mannequins et de spectateurs qui nous avale sans possibilité d’échappatoire. C’est ainsi que s’ouvre le nouveau film de Xavier Legrand, qui revient après Jusqu’à la garde pour continuer sa  »trilogie du patriarcat » et interroger une nouvelle fois le système pervers de la violence masculine.

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Rencontre avec : Timm Kröger

© Heike Blenk

Après un film d’études sélectionné à la Semaine de la Critique à Venise, Timm Kröger était l’année dernière de retour au festival italien mais, cette fois, en compétition. Il propose avec Universal Theory un film noir vertigineux, teinté d’humour et truffé de références…

Peux-tu nous en dire un peu plus sur la genèse du projet ? Avais-tu déjà un certain intérêt pour les mathématiques et la physique ou est-ce venu lors des recherches pour le film ?

Je vais essayer d’être concis ! Je crois que j’avais déjà un fort intérêt pour les maths et la physique lorsque j’étais adolescent. Mais c’était surtout engendré par des films hollywoodiens qui n’en parlaient pas très sérieusement, comme Good Will Hunting ou A Beautiful Mind. En devenant cinéaste, j’ai ensuite oublié un peu tout ça car on vous apprend à vous concentrer sur la part moins rationnelle de votre conscience pour faire des films – c’est une façon un peu courtoise de dire que j’ai senti mon cerveau un peu dépérir en école de cinéma ! (rires). Il y a 11 ans, j’ai fait un film qui s’appelait The Council of Birds et qui se déroulait en 1929. C’est après l’avoir réalisé que nous avons décidé de faire une trilogie de films, pour couvrir en partie l’histoire du 20ème siècle. Le premier traite de la fin de l’ère de la musique romantique et de la forêt allemande, des idées musicales qui flottaient dans l’air à cette époque. Et, de façon organique, c’est ce premier film qui m’a mené au deuxième. J’ai voulu qu’il soit sur les années 60 mais je ne savais pas encore sur quoi précisément jusqu’à ce que je pense au titre : Die Theorie von Allem. En allemand ça veut dire très littéralement la Théorie de tout. Une fois que j’ai eu ce titre, j’ai compris que ça allait se passer en 1962, dans les montagnes suisses, avec un physicien, du ski et un sombre secret caché dans un hôtel…

Tout cela t’est simplement venu à partir du titre ?

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Rue des Dames

Actuellement au cinéma

© The Jokers Film

Après Les Derniers Parisiens (2015), concentré sur le quartier de Pigalle et ses personnages magouillant pour survivre au quotidien, le duo de réalisateur Ékoué Labitey et Hamé Bourokba transportent leur caméra dans le 17ème arrondissement et dissèquent dans Rue des Dames… des personnages magouillant pour survivre au quotidien. 

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Dogman

Au cinéma le 27 septembre 2023

© Shanna Besson – LBP–EUROPACORP–TF1

« Partout où il y a un malheureux, Dieu envoie un chien ». Outre l’incongru d’imaginer Besson lecteur de Lamartine, ou d’un livre tout court, difficile de ne pas relever que, parmi toutes les grandes figures romantiques, il fallut qu’il cite le plus grave et plaintif en exergue de Dogman. Quelques mots empruntés et le ton est donné, aussitôt confirmé par une séquence d’ouverture suintant de poisse où tonne si pesamment un air factice de mystère sous une musique écrasante. Un début qui nous assure, malgré les désastres que furent Valérian et Anna, de l’attachement indéfectible du cinéaste à ses principes d’emphase et de pathos ad nauseam.

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La Syndicaliste

Au cinéma le 1er mars 2023

© Le Pacte

Dans un pays où la délinquance en col blanc n’a pas de visage, on peut se réjouir de voir un film pointer sans détour un fait réel en citant des entreprises et des noms ; il est aussi bien question de rafraîchir la mémoire des Français que de graver dans le marbre une énième affaire économique que l’on finira par oublier. Il en va de même pour les politiques cités : Christophe Paou incarne brillamment le cabotin Arnaud Montebourg, que l’étiquette souverainiste n’a pas empêché de contribuer activement au démantèlement d’Areva. 

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Rencontre avec : Sam H. Freeman & Ng Choon Ping

Berlinale 2023

Sam H. Freeman et Ng Choon Ping lors de la conférence de presse à la Berlinale © Chloé Caye

Sam H. Freeman et Ng Choon Ping réalisent avec Femme un thriller électrisant. Ce premier film, sélectionné dans la catégorie Panorama à la Berlinale, traite de l’idée de travestissement quotidien et du danger d’être dévoilé pour ce qu’on est vraiment. Reprenant certains codes du film noir et dévoilant un génial sens du suspens, Femme est une virée nocturne torride et étouffante. À Berlin, nous avons rencontré les deux amis et cinéastes.

Sam vous avez surtout travaillé à la télévision et Ping plutôt au théâtre, qu’est-ce que vous vous êtes apportés mutuellement, en terme de compétences, dans la création de ce film ?

Sam H. Freeman : Effectivement, mon expérience en est une de scénariste à la télévision et Ping de metteur en scène au théâtre. Donc quand nous nous sommes retrouvés à vouloir faire un film ensemble, nous avons vraiment eu l’impression que nos capacités se complétaient. Aucun de nous n’a fait d’école de cinéma donc on a du faire appel à nos connaissances respectives quant à l’art de raconter des histoires. J’étais plus familier avec les façons d’écrire alors que l’approche de Ping est très visuelle. On a beaucoup appris l’un de l’autre et on a pu s’appuyer mutuellement sur les forces de l’autre. Au sein d’un duo, les deux peuvent essayer d’être identiques, ce dont je ne vois pas vraiment l’intérêt ou, au contraire, se dire qu’on est justement plus d’un parce qu’on a deux domaines de compétences complètement différents. 

Ng Choon Ping : En tant que scénariste, tu avais parfois du mal à trouver de quelle façon faire aboutir ta vision. À l’inverse, moi en tant que metteur en scène, je trouve difficile de construire en amont ce que j’avais envie de montrer à l’écran. Donc c’était une superbe opportunité pour nous de pouvoir contrôler tout du début à la fin : de la conception de l’histoire jusqu’à maintenant, être assis ici avec vous !

C’est un premier film très ambitieux, surtout sur l’aspect de la réalisation car quasiment tout le film se déroule de nuit. Pourquoi avez-vous tenu à raconter cette histoire de nuit et quelles étaient les difficultés principales liées à ce choix ?

N. C. P. : C’était très compliqué à tourner parce que ce sont surtout des extérieurs de nuit et nous avons tourné en juin. C’est l’été donc les nuits étaient courtes. Généralement on arrivait sur le plateau avant le coucher du soleil et il fallait attendre, puis, quand la nuit arrivait tourner très vite avant l’aube. Donc c’était un rythme assez difficile mais exaltant.

S. H. F. : C’était très important pour nous que ce soit un film de nuit, comme beaucoup d’œuvres qui nous ont inspiré : Good Times des frères Safdie ou les films de Nicolas Winding Refn. C’était un genre de référence et on a voulu s’y tenir. Ce que vous décrivez, l’ambiance secrète et dangereuse, éclairée au néon, c’est une immense part de ce qui constitue les thrillers. Et on était conscient qu’on voulait garder une scène de jour à un moment très spécifique. C’était efficace dans l’histoire seulement si les autres plans étaient de nuit, pour qu’on puisse avoir l’impression d’enfin reprendre notre souffle.

N. C. P. : La nuit, c’est le moment où tout peut arriver. Dans un bon thriller, la nuit c’est l’instant où tout tourne au chaos puis revient à l’ordre quand le jour se lève. Son esthétique nocturne, ses couleurs vibrantes c’était notre façon d’emmener Jules dans cet « autre monde » avant d’essayer de le ramener en sûreté. 

La nuit ne nous permet pas de reconnaitre les lieux filmés, et les gros plans font qu’il est également difficile de se repérer dans l’espace. Pourquoi avez-vous souhaité éviter toute forme de contextualisation spatiale ?

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