Le romancier Arthur Dreyfus capte la relation névrotique qui lie l’historien du cinéma Noël Herpe à sa mère, Michelle Herpe-Voslinsky, en les mettant en scène à travers un dialogue riche en rebondissements. Une curieuse thérapie de couple.
Voici un exercice de mise à nu des sentiments qui ne tend jamais à l’obscénité ni à l’entre-soi, les deux risques majeurs lorsqu’on se saisit d’un sujet aussi personnel avec autant de frontalité. Le dispositif est simple et astucieux : éclairés devant un drap noir, Noël et sa mère reviennent sur des épisodes de leur passé commun – ont-ils eu un passé qui n’était pas commun ? L’un commente un épisode, l’autre est interrogé sur le même événement et parfois les deux se retrouvent sur un divan (forcément) pour confronter leurs visions. Ils ne sont pas d’accord, se disputent sur un fait, le temps leur a permis d’analyser ce qui les lie et se délie mais ils en découvrent encore, tel l’étonnement du fils qui apprend que son père, une fois, a frappé sa mère. Il fallait que les conditions du dialogue soient créées par la mise en scène pour faire surgir ce thème, transformant alors le documentaire en drame psychologique propice aux révélations.
La scénographie encourage le dialogue et l’introspection, éclaircit ce qui rapproche au milieu de la pénombre. Ainsi certains motifs d’agacement renforcent en même temps le lien et la complicité… Règlement de compte psychanalytique drôle et grave, Noël et sa mère vise juste les nœuds qui fondent la relation mère-fils au-delà du cas particulier. Alors, vrais souvenirs ou mauvaise foi, la réalité importera finalement moins que l’intensité du lien mis à jour avec tout son mystère.
Noël et sa mère / D’Arthur Dreyfus / Avec Noël Herpe, Michelle Herpe-Voslinsky / Documentaire / France / 1h30 / Sortie le 15 décembre 2021.
CULTURE AUX TROUSSES 