Youssef Salem, décrit par ses proches comme un « auteur raté, alcoolo, raciste et obsédé », trouve avec son premier roman un immense succès qu’il est bien le seul à regretter. S’étant fortement inspiré de sa famille, dont il dresse un portrait peu flatteur, le voilà prêt à tout pour empêcher ses parents de découvrir son œuvre.
Réalisé par Baya Kasmi (déjà lauréate du César du meilleur scénario en 2011), Youssef Salem a du succès se présente avant tout comme un réjouissant vaudeville multipliant les conflits et quiproquos, guidé par une ligne narrative originale, celle d’un anti-héros qui désamorce son prestige. Le film bâtit sa richesse humoristique autour de ses dualités : la réalité contre la fiction, la famille contre l’individu, la persona publique et l’être privé, la bourgeoisie littéraire contre les quartiers arabes populaires. Si Baya Kasmi aurait pu surcharger son œuvre d’une dénonciation sociale sans concession, elle aborde ses sujets avec une empathie agréable, chaleureuse bien que lucide. Elle gratte les vices de ces personnages mais évite la condamnation facile, préférant appuyer un vivre-ensemble joyeux et mélancolique, où les différences déchirent autant qu’elles rassemblent.
Œuvre riche, tant dans ses personnages que son propos, où la famille est décrite comme un fardeau et un trésor, traversée ici par des personnalités burlesques mais jamais ridicules. Youssef Salem a du succès se distingue plus par son portrait de son protagoniste : le looser magnifique dont le succès dévoile les travers d’une société hypocrite, qui construit des distinctions aliénantes entre un « bon » et « mauvais » arabe. Si on peut regretter des traversées mélodramatiques trop appuyées vers le dernier acte, Youssef Salem a du succès s’érige en surprenante réussite, dont l’audace narrative n’a d’égale que son humour sensible et plein d’humanité.
Youssef Salem a du succès / de Baya Kasmi / avec Ramzy Bedia, Noémie Lvovsky, Lyes Salem / France / 1h37 / sortie le 18 janvier 2023
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